Avant la fin du voyage [Terminé]

Sujet: Avant la fin du voyage [Terminé] Jeu 26 Mar - 20:11

Le soleil se coucherait dans une heure. Au fil des années, elle avait appris à vivre selon la course de l’astre. Le crépuscule était chaque fois un soulagement, comme l’aurore un déchirement. Souvent, assise près de la roulotte qui lui servait d’abris et de lieu de consultation, elle attendait que la transformation s’opère avec angoisse. Un voile opaque recouvrait alors ses yeux, qui se figeaient d’eux-mêmes. La lumière commençait à décroître, pour enfin complètement disparaître, et l’ombre remplaçait sa vision, tandis qu’elle sentait sur son visage les premiers rayons d’un soleil timide. Pour une heure encore, il lui faudrait donc endurer l’obscurité, ce qu’elle faisait avec un calme las. Assise dans la roulotte évoquée plus haut, elle était en train de caresser distraitement un chat errant qui était venu de lui-même. Elle lui avait donné à manger, et l’animal avait décidé de lui tenir compagnie, dans le silence le plus total. L’endroit était plongé dans une semi-obscurité. Elle n’avait pas besoin de lumière, et celle qui filtrait par les barreaux ne la concernait en rien. Enfin, le chat releva la tête, comme si quelque chose avait attiré son attention. Elle cessa ses caresses, retira sa main, tendit l’oreille à son tour. D’un bond, l’animal sauta et disparut par la porte entrouverte. Sans trop réfléchir, elle se leva à son tour et le suivit à son tour. Chacun de ses pas était posé avec précaution, ses mains cherchant sans fébrilité quelque chose avec quoi entrer en contact, pour choisir la bonne direction.

Elle descendit de la roulotte, resserrant le châle sur ses épaules, faisant quelques pas de plus. Le chat avait dû disparaître depuis longtemps ; elle resta cependant à l’air libre. Une légère brise froide la fit frissonner, agitant quelques mèches emmêlées de ses cheveux, qui glissèrent sur son visage. Tout près, un cheval s’agita. Arod ? Elle n’aurait su le dire. L’animal était attaché. Elle s’approcha, à tâtons, bien que connaissant la disposition du campement. Arrivée plus près, posant une main sur l’encolure de la bête et l’autre sur son flanc, elle tenta de le calmer par quelques murmures. Lentement, le cheval se calma. Elle flatta son encolure une fois encore, puis s’apprêtait à rentrer lorsqu’un très faible bruit attira son attention. Son attention devint très vite méfiance.

_ Mazareth ?, demanda-t-elle sans trop élever la voix, sans s’éloigner du cheval.

Si le bruit entendit était un pas, celui-ci était léger, mais pas autant que celui de Livia. Il ne pouvait appartenir qu’à Edwin ou Mazareth. L’animal s’agita de nouveau, et reprit ses caresses mais beaucoup plus distraitement.

La brise se fraîchissait avec l'approche de l'obscurité. Les hautes herbes ondulèrent sous l'effet du vent et l'attention d'Edwin s'éloigna du ciel pour revenir à des choses plus terres à terres. Les mains croisés sous sa tête, l'homme était étendu sur le sol meuble, les pieds prochent d'un ruisseau qui jouait avec les galets qui composaient son lit et ses berges. Ce chuchotement cristallin avait peu àpeu assoupi l'esprit d'Edwin et jusqu'à présent rien ne l'avait tiré de sa rêverie. Il abaissa les yeux sur le campement situé à quelques pas. L'herbe sur laquelle il était étendu descendait en pente douce vers le ruisseau se qui lui permettait d'embrasser tout ce qui se passait de l'autre côté. L'homme ne manqua donc pas le félin qui descendit précipitamment d'une roulotte avant de courir entre les jambes d'un Arod somnolent. Le cheval se réveilla en sursaut en apercevant une quelconque ennemi fondre sur lui et essaya de repousser l'assaut. Mais le chat se contenta depasser entre ses sabots avant de fondre sur Edwin. Arod de son sort s'inquiétait à présent pour l'homme qui ne bougeait pas alors qu'un danger fonçait droit sur lui.
Edwin ne bougea pas et observa la boule de poil fondre sur lui, l'animal effectua un saut tout en souplesse et atterrit sur son torse. Il ne manqua pas d'agripper le cuir de sa tunique avec ses griffes avant de disparaître entre les herbes. L'homme se redressa trop brusquement car la peau de son dos protesta vigoureusement contre cet étirement. Tout en grimaçant devant cette douleur mal venue Edwin entreprit de se remettre sur ses pieds tandis qu'Arod ne se remettait toujours pas de ses émotions. Une fois debout il entreprit d'observer les environs pour voir une trace du félin mais sa vueétait bien piètre comparé à celle des elfes et il ne vu aucun signe du passage de l'animal. Il se retourna donc vers le campement et aperçu Ysatis qui avait entreprit de rassurer Arod, Edwin enjamba le ruisseau et ce dirigea vers eux. Il s'approcha calmement de la jeune femme qui devait attendre les derniers rayons du soleil avec impatience. Lorsqu'il fut à quelques mètres Arod tourna sa tête sombre vers lui et Ysatis leva son visage dans sa direction.

Mazareth ?

Edwin sourit, loin de lui la moquerie qu'aurait put occasionner chez quelqu'un d'autre le fait que la jeune femme se soit trompé. Non, il souriait plutôt car confondre sa démarche avec celle de Mazareth était plutôt gratifiant.

Ais-je une démarche aussi féline ?

Edwin s'approcha du flanc d'Arod qui avait toujours les oreilles en arrière accompagné d'un regard nerveux. L'homme entreprit de caresser sa tête avec une grande douceur et s'employait à lui transmettre son calme. Il passa son autre bras sur l'encolure et lui chuchota

:

Il est partit, tu n'as plus rien à craindre.

L'action conjugué de ses paroles, de ses caresses et de son calme arriva à bout de la nervosité de l'animal qui bientôt se détendit. Edwin continua de caresser distraitement l'encolure de l'animal tout en reportant son attention sur Ysatis qui était de l'autre côté.

Ton visiteur a surpris Arod.

Elle se détendit aussitôt qu’une voix lui répondit. Bien sûr, compte tenu de son état, il était normal qu’elle soit sur ses gardes au moindre événement anormal, mais c’était assez rageant d’être victime d’une telle paranoïa. Elle entendit distinctement Edwin s’approcher, sans trop d’empressement comme à son habitude. Arod se calma peu à peu, tandis que les mains de son maître se posèrent sur son encolure. Peut-être était-ce même pour cela qu’il s’était agité tout à coup, simplement voulant faire venir son maître. Les paroles qui suivirent, tandis que la jeune femme restait silencieuse, lui arrachèrent un nouveau sourire. Ainsi donc, c’était ce pauvre chat qui avait provoqué tout ce remue-ménage ?

Moi également.

La plupart du temps, elle devait se fier aux réactions des personnes l’entourant ou, en l’occurrence, des animaux, pour prendre connaissance de ce qui lui avait échappé. Le départ soudain du félin avait suffit à, soyons honnête, lui faire véritablement peur.

Ta voix est endormie… viendrais-tu de te réveiller ?

demanda-t-elle, amusée, tout en sachant déjà avoir raison. De toute manière, ce n’était pas bien dur à deviner. Quand Edwin n’était pas à cheval ou en train de raconter des histoires stupéfiantes, il somnolait quelque part. Ou, chose tout aussi courante, il commençait à raconter une histoire pendant le voyage, confortablement installé sur un Arod bien guilleret, et finissait par partir dans ses pensées… et somnoler pendant les deux heures suivantes.

Arod s’était complètement calmé à présent, et il semblait être heureux d’avoir pour lui double dose d’attention. Cependant, plus les longues s’égrainaient, plus les caresses de la diseuse de bonne aventure se firent distraites. Une mine plus sombre avait remplacé son sourire amusé. Elle semblait hésiter à dire quelque chose. Un moment passa encore, durant lequel elle écouta les respirations calmes des deux êtres en sa compagnie. Puis, tandis qu’Arod lui donnait un léger coup de tête qu’elle prit pour un encouragement un peu brutal, elle eut un léger soupir et livra ses craintes.

Tu vas sans doute dire que je m’inquiète inutilement mais… depuis que nous avons commencé ce voyage vers Camelot, j’ai un mauvais pressentiment.

J’admets que ce genre de phrase, dans la bouche de quelqu’un ayant le don de pressentir le futur, c’était plutôt stressant. Le pressentiment de mauvaise augure qu’elle partageait était bien trop vague pour qu’elle en ait parlé à qui que ce soit jusqu’à présent, pas même à Zacharie. Elle n’était cependant pas certaine que ce sombre présage les concerne tous. Edwin semblait être le premier menacé. Mais quelle genre de menace pourrait bien planer sur un conteur d’histoire anonyme ? Elle ne l’inquiéterait pas inutilement.

Si tu vois quelque chose d’anormal… je t’en prie, ne le gardes pas pour toi. Zacharie acceptera de faire demi-tour au moindre signe de danger.

Camelot n’était pas une bonne idée, et ne l’avait jamais été. Pourtant, c’était bien là où ils auraient le plus de spectateurs, surtout en cette saison.

Edwin connaissait par cœur les points qui détendait les équidés et en particulier ceux d'Arod, c'est pourquoi ses caresses avaient beau être machinale, elle n'en restait pas moins efficace. L'animal bien heureux d'avoir deux cajoleur pour lui tout seul, prenait note du fait qu'il lui suffisait de montrer des signes de nervosités pour avoir toute l'attention dont il méritait. C'était le genre de chose qui était bon à savoir, même s'il n'avait pas grand chose à reprocher à ses propriétaires.

Ta voix est endormie...viendrais-tu de te réveiller ?

Edwin sourit à cette question, il était bien étrange que cette réputation lui soit venu au sein des Carpates. Il n'était pas un gros dormeur, il avait tendance à s'évader un peu trop facilement et de se fait perdre le cour du temps. C'est d'ailleurs ce qui c'était produit quelques temps plutôt car il s'était installé dans l'herbe lorsque le camp fut installé et il n'avait reprit "conscience" que quelques secondes auparavant grâce au vent même si le chat avait finit de lui ouvrir les yeux.

Ce chat m'a fait perdre le fils de mes pensées en jugeant bon d'atterrir sur moi.

En y repensant c'était bien étrange car le félin avait certainement eu pleinement conscience qu'il atterrirait sur un humain, pourquoi l'avoir fait délibérément ? Un tempérament joueur sans doute, ou alors le goût du risque. Comme à son habitude Edwin commençait à s'éloigner du temps présent en préservant son sourire mais les paroles d'Ysatis le remirent sur ses pieds.

Tu vas sans doute dire que je m’inquiète inutilement mais… depuis que nous avons commencé ce voyage vers Camelot, j’ai un mauvais pressentiment.

Edwin baissa son regard vers la jeune femme et perdit son sourire d'un coup. Peu être n'en avait elle pas confiance mais ses paroles lui avait fait l'effet d'une douche froide. Avoir la confirmation qu'il n'aurait pas voulu entendre de ses doutes et de ses peurs n'était guère agréable. Il c'était pourtant résigner à suivre le chemin de Camelot, dissimulant ses craintes en pensant qu'il aurait toujours le temps d'aviser le moment venue.

Si tu vois quelque chose d’anormal… je t’en prie, ne le gardes pas pour toi. Zacharie acceptera de faire demi-tour au moindre signe de danger.

L'homme était bien heureux qu'elle ne puisse le voir et il mit quelques instants avant de lui répondre. Il s'assura que sa voix suivrait parfaitement les sentiments qu'ils voudraient faire passer, cette faculté étant indispensable dans son métier, il excellait tout naturellement dans ce domaine.

Tu ne devrais pas t'inquiéter. Je sais que se que tu ressens ne dois pas être pris à la léger, nous avons donc juste à espérer que ce que tu sens nous épargneras.

Mais si Ysatis percevait un danger, est-ce que cela devait changer la donne ? Tentait-il le diable en continuant sur ce chemin ? Encore des questions auxquelles il allait devoir trouver des réponses et vite car la distance qui les séparaient de Camelot s'amenuisait de jour en jour. Arod qui avait poussé Ysatis à s'exprimer, avait à présent poser son regard plein sur Edwin qui s'en aperçut. Dans ces moments là, l'homme avait toujours l'impression que l'animal lui parlait et démontrait une certaine sagesse bien étrange pour sa race. Le cheval semblait lui reprocher son mensonge mais peut être que c'était sa culpabilité qui lui faisait imaginer cela, dans tout les cas Edwin essaya de lui communiquer qu'il n'avait rien à dire dans cette affaire et à sa grande surprise Arod sembla abandonner avec un étrange soupir qui semblait teinté de désespoir. Intrigué par cela Edwin en perdit le fils de ses pensées initiales.

La scène était étrange. D’un côté, Ysatis conservait son calme grave, tandis que de l’autre, Edwin entreprenait de lui mentir, un peu. Entre eux, tout à fait conscient de ce qui se jouait semblait-il, Arod finit par se résigner et pencha brusquement la tête en avant pour se gaver d’herbe fraîche. Ysatis cessa tout à fait de toucher l’animal, et resserra une nouvelle fois les pans de son châle sur ses épaules. Au même moment, Edwin lui répondit enfin, après un silence qui avait commencé d’alarmer la jeune femme. La voix se voulait rassurante, et Ysatis n’avait que cela pour juger de l’état d’esprit de son compagnon. Elle acquiesça, lentement, mais son sourire était étrange. Il était difficile de lui cacher quoi que ce soit, mais en plus ardu de savoir ce qu’elle pouvait découvrir. A cet instant, impossible de savoir si elle s’était douté du mensonge et avait senti le malaise d’Edwin. Elle posa le plat de sa main sur la tête d’Arod, qui venait de se redresser en mâchouillant d’un air mauvais (vexé de ne plus avoir autant d’attention ?), juste entre ses deux yeux. Un coup de vent plus fort que les autres amena une mèche de ses cheveux sur son visage pâle. La multitude de cheveux quasi invisibles se balada sur sa peau pâle, avant de retrouver sa place.

J’ai l’impression qu’il a envie de se dégourdir les jambes, tu pourrais peut-être le ramener dans son enclos.

Son sourire se fit plus doux, et là encore il était bien difficile de savoir si elle avait compris avoir été dupée. Peut-être respectait-elle simplement la décision d’Edwin de ne rien dire. Elle se détourna et commença à s’en aller, puis s’arrêta.

Je vais réchauffer la soupe qu’a préparée Livia. Si tu en veux… elle devrait être prête dans une vingtaine de... minutes.

Son visage placide s’inclina légèrement, puis enfin elle s’éloigna. Ses pas étaient toujours mesurés, ses mains cherchaient quelque endroit où s’accrocher. Elle ranima le feu agonisant, mélangea la soupe puis la recouvrit. Après être allée cherché deux bols en bois sombre, elle s’installa sur l’un des gros rondins disposés autour du feu, et laissa ses mains et se réchauffer près des flammes. Elle ne savait pas si le conteur la rejoindrait ; peut-être avait-il préféré dégourdir les pattes d’Arod en l’emmenant faire un tour dans les collines. C’était plus probable que de l’avoir ramené dans l’enclos aussitôt. Qu’importe, elle ne bougerait pas. Régulièrement, elle retirait le couvercle de la marmite en fonte et tournait une cuillère en bois dans la soupe. Celle-ci, compte tenu des légendaires talents culinaires de Livia, ne devait pas être extraordinaires (…surtout si Mazareth avait tenu à l’aider), mais elle était préparé avec amour, d’une certaine façon, et saurait les réchauffer.

L’air perdit encore quelques degrés, la nuit approchait. Tandis qu’Ysatis reposait le couvercle sur la marmite une n-ième fois, le bruit métallique sembla attirer de nouveau un visiteur. Ce dernier se frotta contre ses jambes en ronronnant, puis sauta sur le rondin à ses côtés pour s’y étendre avec bonheur, profitant de la chaleur du feu, convaincu sans aucun doute de pouvoir grappiller quelques restes du repas à venir. Distraitement, la diseuse de bonne aventure gratouilla sa tête. Elle avait perdu son sourire et son visage détendu depuis un moment. Son front était plissé dans une expression mêlant concentration et inquiétude. Malgré tout, comme à son habitude, elle conservait le silence.

Arod semblait comprendre la situation dans laquelle baignait Edwin et Ysatis depuis que le premier avait fait son apparition au sein des Carpates et cela l'agaçait passablement. Les humains semblaient désireux d'entretenir un futile jardin secret qui n'avait guère raison d'exister à ses yeux. Arrachant une touffe d'herbe il releva la tête pour la mâchouiller tranquillement. Edwin quant-à lui s'attristait à nouveau de devoir mentir, il ne le faisait pas par plaisir mais la situation dans laquelle il était devait être ordonnée par lui seul. Il avait la démonstration que ceux qui en savait trop avait une fâcheuse tendance à brutalement disparaitre et même si Ysatis pouvait deviner certaine chose il était hors de question qu'il aide sa progression sur ce chemin car il était bien trop dangereux. Heureusement, la jeune femme n'avait jamais cherché à voir plus loin, elle se contentait de faire des allusions discrètes et se laissait facilement détourner. Mais cela n'empêchait pas Edwin de se dégoûter lui même, le mensonge ne faisait pas parti de lui et pourtant il devait vivre constamment avec.

J’ai l’impression qu’il a envie de se dégourdir les jambes, tu pourrais peut-être le ramener dans son enclos.

L'homme baissa les yeux vers l'animal qui finissait de machouiller sa touffe d'herbe. S'éloigner du campement lui permetterait de réfléchir même s'il avait plutôt tendance à tourner en rond depuis quelques temps.

Tu as sans doute raison, on va aller faire un petit tour.

Sur ce, tandis qu'Ysatis s'éloignait, Edwin détacha Arod qui comprit aussitôt ce qui se passait. L'animal avala ce qui avait dans la bouche et suivit l'homme sans rechigner. Ils s'éloignèrent de quelques mètres puis Edwin attacha le bout de la longe de l'autre côté du licol de fortune d'u cheval. Comprenant encore le message Arod parti d'un petit trot cadencé. L'homme se plassa à sa gauche en calquant ses foulées sur les siennes, il passa une main autour de son encolure et prit subitement appui sur une foulée et sauta sur son dos. Ses muscles avaient beau crier Edwin grimpa souplement sur le dos du cheval qui parti aussitôt dans un petit galop. Bien hereux de pouvoir d'étendre ses longues pattes engourdis par le sommeil Arod galopa en prenant soin de ne pas trop s'éloigner du camp. Edwin quant-à lui, suivait souplement le mouvement du cheval, monter à crue necessitait tout de même plus d'attention qu'habituellement c'est pourquoi il n'eu pas vraiment le loisir de s'étaler sur les questions qui étaient pourtant importante. L'homme préféra contempler le soleil rougissant qui commençait à disparaître. Il allait tout de même devoir dire quelques chose à Ysatis mais seulement à elle car il avait une chance qu'elle ne cherche pas plus loin. Le dire à quelqu'un d'autre entrenerait irrémédiablement des questions plus profondes et c'est ce qu'il voulait éviter.

Les minutes s'écoulèrent sur le campement mais Edwin refit son apparition. Il avait laissé Arod dans l'enclo de fortune avec ses compagnons, l'animal était détendu après cette petite cavalcade et il ne sembla même pas remarquer qu'Edwin s'éloignait. L'homme s'approcha d'Ysatis qui avait retrouver son compagnon félin.

Ton ami est revenu ?!

Edwin observa son "agresseur" qu'il n'avait guère eu le temps de contempler tout à l'heure. L'animal semblait profiter du feu et avait prit une place conséquente sur le rondin auprès de la jeune femme. Avec un sourire, il s'assit à son tour sur un autre rondin. Son sourire perdit peu à peu de sa vitalité tandis qu'il hesitait à s'exprimer, le problème c'est que plus il hésitait plus il avait de chance qu'un autre membre des Carpates fassent son apparition. Il avait néanmoins entrevue Livia et Mazareth, la première semblait essayer un nouveau numéro sous les yeux admirateurs de l'autre. Ils devaient en avoir encore pour un certain temps, seul Zacharie pourrait troubler son projet par son arrivée.

Le chat s’agita légèrement, relevant la tête et remuant les pattes arrières pour changer de position. Edwin était revenu. Il restait encore de longues minutes avant que le soleil ne se couche. Trop occupée à s’impatienter, elle n’aurait pas perçu la présence nouvelle du conteur si l’animal à ses côtés était resté immobile. La voix calme qui s’éleva jusqu’à elle lui arracha un sourire.

J’ai peur que ce ne soit qu’un compagnon provisoire.

Dans quelques heures, le félin reprendrait sans aucun doute sa route. Ou peut-être resterait-il dans les parages. Qui sait. Elle tendit la main vers le sol, et attrapa le bol de bois que ses doigts avaient effleuré. Le posant ensuite sur le rondin où était installé Edwin, elle ne fit pas plus de commentaires. Bien sûr, elle le sentait soucieux. Il avait oublié de calmer sa respiration et chacun des gestes de nervosité qu’il pouvait avoir résonnait clairement aux oreilles de l’aveugle. Habituée pourtant aux êtres qui hésitaient à se confier, elle ne dit rien. L’encourager à quoi que ce soit n’aiderait en rien.

Il parlerait seulement s’il le voulait. Elle avait cependant peur que les inquiétudes du conteur rejoignent les siennes. Si c’était le cas, elle se promit de convaincre Zacharie de faire demi-tour. Camelot était déjà le sujet d’intuitions mauvaises, et pourrait être le théâtre de drames heurtant la petite Troupe des Carpates. Elle ne le permettrait pas. Le silence dura un moment encore. Le feu crépitant et les ronronnements intermittents du chat faisaient la conversation. Quelques rayons de soleil disparurent encore. Malgré toute l’attention qu’elle voulait offrir à Edwin, elle ne pouvait s’empêcher d’appréhender, comme chaque soir, le moment du crépuscule. Sa nervosité se traduisait par sa mine inquiète, un peu plus tendue que d’habitude.

Zacharie a décidé de partir en éclaireur. Il a dit que les environs n’étaient pas sûrs, à cause des brigands et… d’autres choses… j’ai oublié. Il ne reviendra pas avant plusieurs heures.

Appelons ça une intuition aigue. Très aigue. Ou peut-être connaissait-elle Edwin depuis assez longtemps pour le savoir avare de confidences. Lorsqu’il s’y risquait cependant, il ne voulait pas avoir un auditoire multiple. Qui plus est, c’était à elle, pour l’heure, qu’il semblait vouloir se confier. Ses hésitations manifestent suffirent à encourager la crainte de l’aveugle, qui n’en montra rien. L’air devint un peu froid, le feu vivace se débattit dans les griffes du crépuscule naissant, pour finalement remplacer la lumière du soleil.

Edwin s'abima à la contemplation du félin qui se prélassait sur le rondin, une nouvelle fois perdu dans ses pensées, c'est le mouvement d'Ysatis qui le fit revenir à la réalité. Il attrapa le bol qu'elle avait posé près de lui et se mit machinalement à le faire tourner entre ses mains. Ce n'était pas vraiment de la nervosité qu'il ressentait plutôt une profonde hésitation, il avait toujours peur de choisir le mauvais chemin. Et si ce soir Ysatis cherchait à voir plus loin, s'il elle ne se contentait pas d'aquiesçer et qu'elle posait des questions. Il n'avait jamais aimé mentir et ce n'est pas ce soir qu'il commencerait. Les minutes s'écoulèrent en silence, Edwin ne prenait toujours pas de décision.

Zacharie a décidé de partir en éclaireur. Il a dit que les environs n’étaient pas sûrs, à cause des brigands et… d’autres choses… j’ai oublié. Il ne reviendra pas avant plusieurs heures.

Edwin se demandait bien pourquoi il s'entêtait à lui cacher son histoire. Car la coincidence n'avait sans doute pas grand chose à voir avec le fait que, tandis qu'il hésitait à parler à cause d'une potentiel arrivée impromptue de Zacharie, la jeune femme vienne l'assurer que l'homme ne ferait pas son apparition avant quelques temps.

Il devrait éviter de ce lancé dans ce genre d'exploration la nuit venue.

Ces paroles étaient plutôt là pour faire bonne figure, la mascarade dans laquelle il vivait depuis qu'il avait intégré la troupe était toujours plus flagrante auprès d'Ysatis. Seul ce point venait obscursire le tableau car sinon cette nouvelle vie était plus amusante que tout ce qu'il aurait put imaginer, même si les voies qu'il avait emprunté pour en arrivée là, avaient été un bien lourd prix à payer. Edwin arrêta subitement de faire tourner son bol et sembla prendre un aspiration avant de ce lancer.

Il est possible que pendant notre séjour à Camelot je disparaisse rapidement sans un aurevoir. Si c'est le cas j'aimerais que tu t'assures que personne ne me recherche car toute tentative sera veine.

Edwin posa son regard sur Ysatis, guettant sa réaction. Il était en effet essentiel que la troupe reste en dehors de cela. Peu être s'éloignerait-il de son propre chef s'il détectait quelques choses de mauvaise augure mais il pouvait tout aussi bien disparaître à cause de personnes très bien renseignés qui s'avaient à qui s'adresser pour avoir des réponses à leur question. Dans les deux cas les Carpates ne devaient pas y être méler et continuer leur vie comme avant.

_ As-tu déjà essayé de l’arrêter une fois qu’il a une idée en tête ?, demanda-t-elle en laissant son sourire s’élargir, consciente que l’échange de ces quelques banalités n’était qu’un prélude à la véritable conversation que voulait entamer Edwin. Compréhensive pourtant, elle le laissait mener les choses à sa guise, et parler à son rythme.

Elle ne s’impatientait pas d’entendre ses confidences et se refusait à le presser. Elle entendait les doigts du conteur taper légèrement contre le bois du bol qu’elle lui avait transmis. Lorsque, enfin, ces mouvements s’arrêtèrent et qu’elle l’entendit prendre une rapide inspiration, elle redoubla d’attention. Son visage ne changea pas d’expression. Etait-elle trop habituée à perdre des êtres chers, pour ne plus en souffrir ? C’était peu probable. Elle avait en revanche de nombreuses fois entendu ce genre de chose, ces funestes prévisions de départ. Elle en souffrait, c’était certain, et son inquiétude la rongeait, mais il était hors de qu’elle transmette ces sentiments à son compagnon. Après s’être assurée qu’il ne souhaitait pas continuer par quelques secondes de silence, elle lui répondit. Calmement. Avec une douceur qui ne laissait rien transparaître de ses angoisses.

_ J’aimerais pouvoir te promettre une telle chose, si cette promesse pouvait t’aider. J’ai conscience que tes raisons sont fermes, mais… si Livia était partie avec cet homme de Winchester, l’aurais-tu laissé faire ? Et Mazareth a voulu nous quitter à un nombre incalculable d'occasions…

Elle se pencha en avant et, peut-être par un heureux hasard, peut-être parce qu’il lui arrivait de ne pas avoir besoin de ses yeux pour voir, elle prit la main du conteur dans les siennes et la serra avec une douceur maternelle.

_ Dès le moment où Zacharie a fait de nous une troupe, nous avons reçu le devoir de veiller les uns sur les autres. Même si je ne peux pas t’apaiser, ni t’aider à échapper aux démons qui t’attendent là-bas, je ne t’abandonnerai pas. Ils te répondraient tous la même chose, Edwin.

Sa résolution semblait dérisoire, compte tenu de ce qui attendait le conteur, mais elle était sincère. Adressant un sourire calme à son compagnon, elle finit par libérer sa main et se redressa. Le chat, repus de chaleur et d’attention, était parti.

_ Maintenant, si tu veux que je demande à Zacharie de faire demi-tour, je le ferai. Sans qu’il sache que tu es concerné par une telle faveur.

As-tu déjà essayé de l'arrêter une fois qu'il a une idée en tête ?

Edwin sourit à cette question, en effet, jamais il ne lui viendrait à l'idée de raisonner Zacharie. Il savait que la partie était perdu d'avance et il ne c'était donc jamais donné la peine d'essayer. Mais l'occasion ne c'était jamais véritablement présenté non plus.

J’aimerais pouvoir te promettre une telle chose, si cette promesse pouvait t’aider. J’ai conscience que tes raisons sont fermes, mais… si Livia était partie avec cet homme de Winchester, l’aurais-tu laissé faire ? Et Mazareth a voulu nous quitter à un nombre incalculable d'occasions…

L'homme guetta la réaction d'Ysatis et les paroles de cette dernière furent trop justes à son goût. Bien sur qu'il n'aurait pas laissé partir Livia avec ce gredin et il n'aurait laissé Mazareth que s'il avait justifié son départ d'une façon solide et irrévocable. Etait-ce égoïste de penser que sa situation n'était pas la même dans son cas ? Dans un sens c'était la vérité, ses compagnons ne menaçaient pas la troupe par le seul fait qu'il restait avec eux...du moins à sa connaissance. Edwin ne savait que dire à cela et Ysatis rompit ses pensées lorsqu'elle lui prit la main qui avait lâché le bol quelques secondes plus tard. L'homme posa alors son regard sur la jeune femme qui reprenait la parole.

Dès le moment où Zacharie a fait de nous une troupe, nous avons reçu le devoir de veiller les uns sur les autres. Même si je ne peux pas t’apaiser, ni t’aider à échapper aux démons qui t’attendent là-bas, je ne t’abandonnerai pas. Ils te répondraient tous la même chose, Edwin.

Edwin resta silencieux quelques secondes et observa le sourire d'Ysatis avant de regarder, d'un regard vif, le félin disparaître dans l'obscurité. Il se devait de plaider sa cause même si cela risquait d'être peine perdu. Sous aucuns pretexte la troupe ne devait être mélé à cela autant pour eux que pour lui.

C'est pour mieux veiller sur vous que je demandes cela. Si je pars vous devez m'oublier car si vous me cherchiez cela rendrait mes efforts vains.

Lorsque Ysatis lâcha sa main qui était à moitié dissimulé sous des bandes de cuirs sombres, Edwin se tourna vers le feu. Il observa les éclats rougeoyants qui se reflétaient sur le cuir, un très léger firsson parcouru son corps. La température n'avait pas grand chose à voir avec cela, certes il était moins couvert que le commun des Bretons mais il l'était plus que ceux des Pictes. Le froid n'avait guère de prise sur lui, non ce qui l'avait frissoné ressemblait plus à un mauvais cauchemards qui lui était revenu l'espace de quelques secondes.

Maintenant, si tu veux que je demande à Zacharie de faire demi-tour, je le ferai. Sans qu’il sache que tu es concerné par une telle faveur.

Edwin ne s'arracha pas à sa contemplation. Cela faisait bien longtemps qu'il c'était résolu à aller à Camelot car de doute manière il ne pouvait savoir où et quand la foudre tomberait. Peu être que son séjour là bas se déroulerait à merveille et que dans le minuscule village suivant, quelqu'un le reconnaîtrait. Il ne pouvait se cacher de personne dont il ne savait rien

Cela ne changerait rien, il pourrait ne rien arriver à Camelot alors que si on déviait pour une autre ville je pourrais me voir dans l'obligation de partir.

Edwin arrêta sa contemplation l'espace de quelques secondes, le temps de soupirer et de passer sa main libre sur sa nuque. Bien heureux serait celui qui aurait le fin mot de l'histoire.

Alors, ils étaient tous en danger. En lisant entre les lignes, elle avait finis par le comprendre. La présence du conteur parmi eux les exposait à une menace anonyme, grandissante, imprévisible. Edwin tenta de la rassurer d’une manière plutôt étrange, en lui assurant que Camelot était un endroit parmi beaucoup d’autre qui pouvait lui causer des problèmes. L’ennui était que, en recoupant ces nouvelles informations avec les vagues visions d’Ysatis, on obtenait une conclusion loin d’être réjouissante. Elle ne dit rien, et pourtant beaucoup de choses se décidèrent pendant ce silence. Elle parlerait à Zacharie, si tôt qu’il rentrerait. Elle lui ferait part de ses doutes, engagerait le moins possible les confidences d’Edwin, mais lui parlerait quoi qu’il arrive. Si quelque chose devait menacer sa troupe, il était en droit de le savoir. Ce n’était pas véritablement une trahison à l’égard d’Edwin, ou peut-être que si. C’était en tout cas la meilleure chose à faire, et peut-être le meilleur moyen d’aider le conteur. Elle en était convaincue. Ainsi donc, une fois encore dissimulant ses pensées, elle acquiesça simplement, se résignant à vivre avec l’angoisse de voir disparaître son compagnon.

Le soleil avait disparut derrière la cime des arbres depuis un moment. La lumière avait continué de décroître sans qu’ils s’en rendent vraiment compte, y compris Ysatis. Lorsqu’elle disparut tout à fait, et que la lune gagna en intensité pour finalement imposer sa vision grise… ce même gris bleu qui recouvrait les yeux d’Ysatis gagna lui aussi en intensité, devint lumineux une fraction de seconde, avant de disparaître. Une seconde, elle oublia ses craintes et le danger, pour retrouver avec un bonheur indescriptible la vision. Les couleurs, plus vives qu’aucun humain ne les verrait jamais, l’envahirent. Elle put enfin regarder Edwin, avec des yeux neufs d’une rare intensité… et constater l’ampleur de son malaise. Perdant aussitôt son sourire, elle décida de faire comme si l’expression inquiète du conteur était passée inaperçue.

Tu prendras Arod, n’est-ce pas ? Il saura mieux te protéger, et te guider, que n’importe qui. Si tu partais sans lui, de toute manière aucun d’entre nous ne parviendrait plus jamais à l’approcher.

Un dernier sourire, d’encouragement semblait-il, puis elle tourna les talons après avoir laissé son châle sur le rondin de bois occupé auparavant. Sa vue retrouvée, elle pouvait bouger à sa guise. Mais surtout, elle pouvait priver Arod de l’un de ses compagnons pour s’en aller. Vers Camelot. S’approcher un peu plus de la ville lui apporterait de nouvelles visions, elle en était certaine. Et, peut-être bien, ces visions pourraient les aider. Elle se devait d’essayer, par loyauté, pour respecter l’amour indéfectible qui la liait à chacun des membres de la troupe. Elle entra dans l’enclos des chevaux, installa mors et selle précaires sur l’un d’entre eux (une jeune jument dont ils avaient récemment fais l’acquisition pour une bouchée de pain), et sortit l’animal. Le tout fut fait dans le silence, les chevaux eux-mêmes ne réagissant que sur la pointe des sabots. Dans la mesure du possible, Edwin ne devait pas même se douter de ses intentions.

Plus tôt, on hésitait quant à l’identité de celui qui aurait le fin mot de l’histoire. Arod. Bien sûr. Tandis que la diseuse de bonne aventure s’éloignait au pas dans le silence de la nuit, le fier cheval poussa un faible hennissement, son énorme tête tourné en direction du ruisseau troublé par les sabots d’une jument. Edwin avait raison, ce n’était pas une bonne nuit pour s’éloigner seul à cheval. Et Arod le savait.

L'obscurité prenait peu à peu la place des derniers éclats du soleil mais cela Edwin n'en avait pas conscience. Toujours plongé dans l'observation de sa main, figé, le regard perdu dans ses pensées, il mit plus de temps qu'à l'accoutumer pour revenir vers la réalité lorsque Ysatis parla. Il la regarda et acquiesça timidement d'un signe de tête, Arod ne lui appartenait pas vraiment mais il espérait que Zacharie ne lui en voudrait pas s'il partait avec lui. Il y avait de grande chance que non mais Edwin se garderait bien de le lui demander car lui n'hésiterai pas à poser des questions dérengeantes.

L'homme mit quelques temps à comprendre qu'Ysatis avait retrouvé la vue et ce n'est que lorsqu'elle s'éloigna d'une démarche sur qu'il comprit. Il l'observa s'éloigner avant de rediriger son attention sur le feu. Edwin récupéra son bol qui c'était échoué sur l'herbe près de lui, il souleva le couvercle de la marmite et y glissa un oeil pensif. Avec une touche d'appréhension il se servit et observa le liquide d'un oeil averti. Il était à présent habitué à la cuisine de Livia et il savait donc à quoi s'attendre c'est donc sans aucun empressement qu'il commença à siroter la soupe.

Arod hennit ce qui tira Edwin de sa rêverie, aux auguets l'homme attendit un autre signe de l'animal mais rien ne vint. Il se détendit donc et continua de boire la soupe. Les minutes s'écoulèrent, l'obscurité se fit plus présente et bientôt Livie et Mazareth firent leur apparition.

Tu vois que ce n'est pas Edwin qui l'a prit. Ca doit être Zacharie.

Edwin leva les yeux vers la demoiselle en quête de réponse à son interrogation muette mais c'est Mazareth qui lui répondit.

Une jument n'est plus là, je croyais que c'était toi.

Edwin fronca les sourcils, dans sa mémoire il ne manquait aucun cheval lorsqu'il avait ramené Arod. Tenant son bol à deux mains, son regard se posa sur le chale d'Ysatis qu'elle avait abandonné sur le rondin. Arod avait hénnit tout à l'heure. Le puzzle se reconstitua soudainement, il venait de déméler le mystére et fixa le duo qui venait de s'installer en face de lui. Son regard croisa celui de Mazareth et au moment ou ce dernier voulut lui demander ce qu'il lui arrivait Edwin prit la parole d'une voix mal assuré.

C'est Ysatis qui est parti.

Sans autre explication Edwin laissa là son bol, attrapa le châle abandonné de la jeune femme, attrapa sa dague qu'il avait laissé accroché à une roulotte et se dirigea vers l'enclos en l'attachant à gauche. Arrivée à destination il trouva un Arod agité qui commençait à faire tourner en bourrique ses autres congénéres. Le cheval avait les oreilles en arrières et tapait du pied comme s'il repprochait à Edwin de ne pas avoir comprit plus tôt. Mais comment aurait-il put imaginer que Ysatis s'éloigne dans la forêt à cette heure ? Alors qu'ils avaient eux-même évoqué quelques temps plus tôt que l'endroit n'était pas sur ? De plus elle n'avait aucune raison de s'éloigner ainsi. Pendant qu'il essayait de comprendre le pourquoi du comment, il sella Arod qui n'arrétait pas de le houspiller pour qu'il accélère la cadence. Lorsque Edwin fut en selle Mazareth arriva près de lui, ils échangèrent quelqes mots pour convenir qu'ils resteraient là pour attendre Zacharie tandis que lui essayerait de rattraper Ysatis pour s'assurer que rien ne lui arrive dans ces bois hostiles.
Sur cela Edwin relâcha les rènes d'Arod qui se dirigea sans hésité sur les traces de la cavalière.

Une fois la jument échauffée, elle partit au galop. Les premières minutes, Ysatis voyagea sur une petite route qui serpentait dans la forêt. Très vite cependant, elle s’enfonça entre les arbres, non plus au galop mais au pas, de nouveau. Pas la peine de vous demander comment elle connaissait le chemin et se retrouvait, tandis qu’il faisait nuit et qu’un arbre ressemblait à un autre arbre. La vue d’une chouette, le son de branches s’entrechoquement, les murmures du vent, tout lui apportait l’intuition nécessaire pour prendre la bonne direction. Un des bons côtés à être médium, vous voyez le genre.
Chaque pas la rapprochait de Camelot, mais il apportait également plus de force à son pressentiment. Il lui broyait littéralement le cœur et l’empêchait de penser avec raison. Puis, enfin, elle arriva à la destination qu’elle avait pressentie. Aussitôt que le dernier arbre fut dépassé, elle déboucha sur un espace nu qui, à quelques mètres, disparaissait pour laisser place à une falaise impressionnante. Les plaines s’étendaient au-delà, sur plusieurs dizaines de kilomètres. Au loin, vibrant dans la nuit : les lumières de Camelot.

Elle descendit de sa monture et s’approcha du bord de la falaise, fascinée par les lumières qui apparaissaient et disparaissaient. Son regard se fit plus vague, sa respiration s’accéléra. Impossible de dire ce qu’elle vit, ou pressentie. Impossible de savoir quelle vision l’avait secoué au point qu’elle éclata en sanglots, gâchant sa vue si fraîchement retrouvée. Elle s’effondra, ses genoux dangereusement près du rebord, et resta ainsi de longues minutes avant de pouvoir se relever. Le visage défait, plus pâle que jamais, elle remonta sur la jument et laissa l’animal les guider toutes deux sur le chemin emprunté à l’aller. Mais il dû être légèrement différent puisque, bientôt, elle entendit des voix. Des hommes.

Oubliant tout le reste, elle descendit de cheval et calma celui-ci. Instinctivement, elle savait que les voix n’appartenaient ni à des marchands, ni à des voyageurs quelconque. Et ça n’avait rien à voir avec le fait qu’ils discutaillaient de leurs dernières rapines et du plus juste moyen de les partager. Craignant pour sa vie (car, en les écoutant plus attentivement, elle comprit qu’ils n’étaient pas de ces brigands qui se contentaient seulement de détrousser, mais aimaient également satisfaire la soif de leur épée), elle commença à reculer, entraînant la jument avec elle. Sa respiration était calme, la jument n’était pas effrayée. Avec patience, elle réussirait sans aucun doute à se tirer de ce mauvais pas. Quelques mètres furent parcourut ainsi, dans le silence le plus total. De toute manière peu importait la discrétion, les hommes riaient si fort… Tout se passait sous un parfait contrôle, jusqu’à ce qu’elle quelque chose, une main peut-être, agripper son épaule…

Cavaler ainsi dans la forêt obscure n'était pas de tout repos, Edwin devait scruté la nuit devant lui pour débusquer à temps les branches basses. Arod progressait le plus rapidement possible et il ralentissait à peine pour permettre à son cavalier d'éviter les obstacles. S'il avait fait jour l'homme aurait put lui même suivre les traces d'Ysatis mais la nuit venue il laissait le cheval se dirigeait lui même car ses capacités étaient amoindris pour le manque de luminosité. Ils progressèrent ainsi durant de longue minute, l'animal se faisait plus silencieux que cheval normal qui aurait cavalé à cette allure mais il n'en resta pas moins repérable par des oreilles aux aguets. Son attention étant focalisé par la détection des obstacles Edwin ne put réfléchir à ce qui avait put pousser Ysatis à disparaître ainsi.

Il fut bien incapable de savoir combien de temps il c'était écoulé lorsque Arod freina des quatre fers. Le jeune homme n'eut qu'à tendre l'oreille pour savoir la cause de se brusque arrêt. Des hommes parlaient à quelques pas, il ne les voyait pas mais le rougeoiement de leur feu teintait les arbres d'une couleur fauve. Arod progressa au pas, les oreilles en arrière, il n'était guère rassuré et entreprit de les contourner. Edwin le laissa faire et essaya d'apercevoir les hommes. Avec le bruit que ces derniers faisait, ils ne risquaient pas grand chose mais il était possible qu'un des leurs ce soit éloigné pour une raison ou pour un autre et qu'ils se fassent surprendre par l'arrière. Mais pendant qu'ils évitaient le potentiel danger le regard d'Edwin fut attiré par quelques choses non loin d'eux, il descendit souplement d'Arod et guida l'animal vers la source du mouvement.

C'est avec un grand soulagement qu'il vit la silhouette d'Ysatis qui essayait de rassurer sa jument. La seconde d'après il posa une main sur l'épaule de cette dernière. Il eu peur que sous l'effet de la surprise la jeune femme lâche une exclamation mais il n'en fut rien. Dans l'obscurité Edwin lui fut un sourire rassurant et lui fit signe de grimper sur Arod. Sa jument était trop énervé pour réagir en cas de besoin si la jeune femme montait sur le cheval noir Edwin savait que personne ne pourrait rattraper l'animal une fois lancé. Les hommes étaient toujours aussi bruyant, s'il n'y avait personne d'autre aux alentours, ils avaient une chance de sortir de là sans une égratignure.

Elle se retourna vivement pour faire face à ce qu’elle avait pris pour un adversaire. Edwin. Elle eut un soupir qui n’avait rien à voir avec du soulagement. Au contraire. Jusque là tendue, à présent terrifiée, elle s’agita quelque peu et encouragera le conteur à s’en aller d’ici le plus rapidement. Au diable la discrétion, en présence d’êtres de cette espèce, il avait bien plus à craindre qu’elle. Encore une intuition, si vous voulez. Mais il y avait fort à parier que c’étaient là plutôt les effets de la vision dévastatrice qu’elle avait eut plus tôt. Son compagnon l’encouragea à monter sur Arod, et elle en comprenait les raisons sans qu’il ait besoin de les lui donner. Il était bien meilleur cavalier qu’elle-même, et saurait tirer profit de la tension de la jument tandis qu’elle en aurait sans doute perdu le contrôle.
Acquiesçant sans un mot, elle passa un pied dans l’étrier et se hissa souplement sur le dos de l’animal, sans se redresser. Penchée sur l’encolure, elle agrippa les rênes et attendit qu’Edwin l’imite avant de faire quoi que ce soit. Ils étaient tellement concentrés sur leur fuite que les rires soudain taris étaient passés inaperçus. Puis, tout se passa très vite. Un faible bruissement de feuilles lui donna la prémonition d’un homme armé surgissant derrière Edwin, et d’un autre venant de leur droite.

Derrière-toi !

Elle aurait voulut murmurer, mais le stress l’empêchait de contrôler sa voix. Alors, sans qu’elle sache exactement comment ni pourquoi (alors que, de son côté, elle n’avait rien fait), Arod se cabra et s’élança souplement à travers les arbres. Elle tenta d’arrêter sa course furieuse, mais d’un brutal mouvement de tête, il lui arracha les rênes des mains. Ils s’éloignaient à une vitesse fulgurante de leurs ennemis, mais elle ne s’inquiétait que pour leurs compagnons restés en retrait. Elle avait peine à rester sur le dos de la monture, tant celle-ci refusait d’adapter les mouvements de sa course à son cavalier. Qu’est-ce qui avait pu se passer pour qu’il file ainsi ? Elle n’avait rien vu. Les branches griffaient au passage son visage et ses bras. Elle avait beau se tenir le plus près possible d’Arod, rien ne la mettait à l’abri de ces attaques.

Enfin, après de longues minutes, interminables, le cheval s’arrêta soudain. C’était un endroit dépourvu d’arbres sur quelques mètres. Un tapis de mousse recouvrait le sol. Elle reprit les rênes du cheval et le força à faire demi-tour. Une fois encore, un mouvement de tête arracha violemment le cuir des mains de la prophétesse. Elle finit par descendre de l’animal après avoir scruté la forêt un long moment, à la recherche d’un quelconque mouvement. Elle espérait voir surgir Edwin d’entre les arbres, elle espérait à tel point que chaque seconde était une déception brûlante. Puis elle sentit quelque chose couler le long de sa cuisse, quelque chose que l’adrénaline lui avait fait ignorer jusqu’à présent. Un profond coup de couteau avait entaillé sa chair. L’auteur en voulait assurément à sa vie et c’était… Arod, en sa cabrant et filant aussitôt, qui l’avait sauvé. Mais il y avait pire dans cette constatation : cela signifiait que les deux hommes qu’elle avait pressenti étaient plus proches que prévu, et avaient eut le temps d’attaquer. Or, Edwin était à ce moment-là dans une position bien plus fâcheuse. Peu importe combien elle pouvait espérer, guetter toutes les directions, la forêt restait résolument silencieuse.

Edwin ignora les signes d'Ysatis qui l'incitait à s'éloigner au plus vite. Au diable ses pressentiments il ne partirait pas temps qu'elle ne serait pas en selle. La jeune femme grimpa souplement sur un Arod plus que méfiant, aux oreilles tirés en arrière. Lorsqu'elle fut en selle Edwin entreprit de rassurer la jument mais il n'eu que le temps de flatter qu'une fois son encolure.

Derrière toi !

Ysatis rompit le silence d'une façon si surprenante qu'Edwin ne réagit pas aussi vite que habituellement. Il se tourna vivement vers la direction désigné et par réflexe dévia de son bras gauche la lame qui fendait l'air vers lui. Le fer formait un angle trop aigu avec son avant bras pour causer des dommages irrémédiables mais Edwin eu tout le loisir de sentir le métal entamer les bandelettes de cuirs qui le protégeaient ainsi que sa peau. Tandis qu'il tirait sa dague de sa main droite, l'épée effleurait le flanc de la jument qui n'avait pas encore réagit à l'attaque. Mais en sentant l'agression l'animal eu une réaction qui aida grandement Edwin: la jument botta violemment son agresseur. Le choc produit un bruit sinistre et lorsque l'homme s'effondra après s'être heurté à un arbre notre conteur n'avait guère d'espoir pour sa vie. Néanmoins sa sauveuse du jour prit la poudre d'escampette sans cri et gars en prenant la direction du feu de camp.

Tout cela c'était passé à une vitesse folle et c'est le bruit de la cavalcade d'Arod qui fit pivoter Edwin, il se retrouva alors face à un deuxième homme. Le feu lointain projetait sa clarté rougeoyante jusqu'ici mais Edwin n'avait guère besoin de luminosité pour voir que ses chances de sortir de là s'amenuisaient. Son nouvel adversaire tenait une lourde épée, cette longueur de lame le mettait à l'abri de la simple dague d'Edwin.

Il n'avait jamais était un grand guerrier, ayant évité presque toutes les séances d'apprentissage il n'avait que les bases et ses bases étaient celle des Pictes en aucun cas celles des Bretons... Peu être pouvait-il profiter de cette différence. Son adversaire jeta un regard à son acolyte avant de reporter son attention sur Edwin, nul doute qu'il voulait lui faire payer la mort de son compagnon. Aucune parole ne furent échanger et l'homme lança sa première attaque. Le conteur en esquiva plusieurs, ne sachant comment répliquer, ses muscles ne mirent guère de temps à protester et si on ajoutait à cela que sa blessure toute fraiche brulait sans discontinuer on pouvait se demander comment Edwin réussit à éviter autant de coup. Peu à peu les deux adversaires s'approchèrent du camp et de son feu, la scène ce fit plus net.

Mais ce qui devait arriver, arriva, le conteur ne fut pas assez rapide et la lame entailla sa tunique de cuir, sa chemise de lin et son ventre. Sur le coup Edwin chuta et son dos heurta la racine d'un arbre. A moitié assommé par tout ses muscles qui étaient en feu, par ses deux blessures et le choc, il ne put qu'entr'apercevoir, dans un nuage de conscience, que son adversaire s'approchait avec délectation. Il se plaça à sa droite et leva sa lame déjà rougit par le sang d'Edwin, le temps qu'il mit à apprécier sa victoire lui fut fatale. Dans un sursaut de conscience le conteur, qui tenait toujours sa dague dans sa main droite, planta cette dernière dans le pied le plus proche de son adversaire. Il roula ensuite sur lui même pour éviter l'épée qui chuta lourdement sur le sol. Ce qui se passa ensuite peu être vu de deux manières, soit ce fut le pur hasard, soit nous avons là un nouvel exemple de la protection de dame nature qui semble couver Edwin depuis sa naissance : L'homme qui tentait de retirer la dague de son pied n'eut pas le loisir de s'apercevoir qu'il n'était que à un pas du feu. Une bourrasque s'éleva d'entre les arbres et fit voltiger une armée de braise rougeoyante qui mirent instantanément feu à la tunique de tissu que portait le malheureux.

Edwin resta ventre à terre et contempla sans réellement le voir le spectacle de son adversaire brulant vif. Il fut bien incapable de dire combien de temps il s'écoula avant qu'il ne s'aperçoive que la jument était là, caché entre les arbres. Et lorsqu'il réussit à l'attirer jusqu'à lui l'homme avait finit de hurler depuis bien longtemps. Impossible de savoir où il trouva la force de récupérer sa dague noircit par le feu et de se hisser en selle. A moitié conscient, sa tête ballotait tandis que la jument prenait le chemin du retour au pas. Il savait que instinctivement l'animal le mènerait à Arod qui était le chef de son troupeau.

Elle venait de décider de remonter en selle pour revenir en arrière lorsqu’un mouvement attira son attention. Là, à une cinquantaine de mètres, s’avançait la jument haletante. Sur son dos, une forme indistincte. Ysatis n’eut pas le temps de se sentir soulagée. La façon dont la forme bougeait, au ralentit, maladroitement, lui indiquait qu’Edwin était inconscient ou proche de l’être. Elle courut jusqu’à la jument, attrapa les rênes, enleva le pied d’Edwin de l’étrier pour y glisser le sien, et se hissa derrière le conteur. Tenant à présent les rênes à deux mains, elle était en mesure de l’empêcher de tomber, bien qu’avec difficulté. Malgré le risque, elle ordonna à la jument de partir au galop. Passant près d’Arod, un sifflement autoritaire suffit à attirer son attention et il s’élança avec eux, les suivant de près. Ysatis, de son côté, ignorait de quel ordre et quelle gravité étaient les blessures d’Edwin. Elle ne pouvait que concentrer toute sa force pour le maintenir en selle et qu’ils arrivent à leur campement.

Enfin, ils arrivèrent jusqu’aux tentes et roulottes qui composaient leur campement provisoire. Elle arrêta brutalement la jument et descendit. Edwin suivit le mouvement, son corps s’affaissant sur le côté. Elle le recueillit avec autant de délicatesse que possible, le déposant ensuite par terre. Mazareth et Livia s’étaient approchés, alertés par le vacarmes des deux chevaux. Après un moment de surprise, ils comprirent la situation et s’agitèrent. Mazareth aida Ysatis à transporter le picte près du feu, tandis que Livia revenait avec de l’eau et un linge. A la lumière, le corps du conteur parut en un bien piètre état : le sang avait imbibé une bonne partie de ses vêtements, séché à quelques endroits, si bien qu’il faudrait beaucoup trop de temps pour retrouver l’origine de la blessure.

Prenant une dague que lui tendait Mazareth, Ysatis commença à déchirer la chemise du picte. Aussitôt qu’elle pu voir ce que le linge dissimulait, elle demanda aux deux autres membres de la troupe de s’éloigner, rentrer dans leur tente respectives, car leur aide n’était plus nécessaire. Le ton inhabituellement autoritaire de la prophétesse devança la moindre contradiction. Pendant ce temps, elle finissait de déchirer la chemise et repérait la plaie béante dans le ventre. Appliquant aussitôt un tissu dessus, elle appuya avec force jusqu’à stopper l’hémorragie. Après avoir été certaine que le sang s’écoulait plus faiblement, elle reprit la dague et la tint au dessus du feu. Tout ce qu’elle espérait était que, dans les secondes suivantes, Edwin ne reprendrait pas soudainement conscience. Son cri alerterait Mazareth et Livia…

Ses gestes étaient sûrs, méticuleux, comme si ce n’était pas la première fois qu’elle voyait ce genre de blessure. Sans hésiter, après avoir sommairement nettoyé la plaie avec un chiffon humide, elle appliqua la lame rougeoyante sur les contours de la plaie. L’opération fut répétée plusieurs fois, avant que le sang ne cesse définitivement de couler. Elle reposa la dague et glissa une main dans le dos du conteur, pour vérifier que la lame ne l’avait pas traversée de part en part. Par miracle, ce n’était pas le cas.

Ses gestes se firent alors moins pressés, car la vie d’Edwin ne dépendait pas d’eux. Elle nettoya ce qui restait de sang, avec la plus grande délicatesse, puis entreprit de passer une bande de tissu autour du ventre, de façon à couvrir la blessure. Demain, si Edwin n’avait pas de fièvre, c’était que l’infection était évitée. Elle pourrait alors appliquer sur la plaie un onguent de plantes qui atténueraient la douleur et faciliteraient la cicatrisation. Mais il était trop tôt pour faire la moindre prévision. Ses pouvoirs eux-mêmes n’étaient d’aucune utilité. Elle disposa une couverture sur le corps d’Edwin, autant pour le protéger du froid que pour masquer les innombrables cicatrices de son corps. C’était un secret qu’il aurait voulu protéger, quelque soit son état.

Edwin se sentait chavirer à chaque pas de la jument et par réflexe ses muscles se contractaient pour le maintenir en selle. La douleur était tellement forte qu'il n'en avait plus conscience, son esprit voguait dans des limbes nuageuses. Il eu vaguement le sentiment que l'animal s'était arrêté et qu'une nouvelle présence s'était matérialisé dans son dos mais tout cela restait très vague. La jument parti au galop, du moins c'est l'impression que cela lui donnait et les efforts inconscient d'Edwin pour rester en selle se firent plus consciemment mais l'effort l'enfonça encore plus dans le brouillard. C'est lorsqu'il se sentit tomber qu'il perdit réellement connaissance.

Mais qui pouvait bien chuchoter ainsi, ce murmure constant était composé de plusieurs voix mais Edwin ne pouvait ni les identifier ni les comprendre. Il entrouvrit les yeux et fut frappé par une clarté bien trop grande. Il avait froid alors que tout évidence c'était une journée magnifique. Toujours profondément enfoncé dans un brouillard tenace l'homme se débattit pendant de longues minutes pour reprendre possession de son corps et pour essayer de savoir qui était à ses côtés. Mais cette bataille fut veine, c'était à y rien comprendre, à croire qu'il n'était plus qu'un esprit enfermé dans une vulgaire coquille. Après ces quelques minutes de semi conscience Edwin retomba dans l'inconscience totale.

Le silence était retombé, l'obscurité était à nouveau là. Peu à peu Edwin retrouva ses sensations, le brouillard se dissipait et il retrouva enfin les tiraillements habituelles de ses muscles. Mais la nouveauté fut la brulure incandescente de son ventre ainsi que l'apparition d'un nouveau tiraillement sur son bras gauche. D'ailleurs ces deux douleurs bien distinctes n'étaient une réelle nouveauté, elles étaient plutôt le clair reflet de souvenir qu'il avait voulut rayer de sa mémoire sans sucés. Il s'écoula de longue minute avant qu'Edwin ne trouve la force de soulever ses paupières qui lui semblait bien lourde. Lorsqu'il y parvint, il mit quelques temps à comprendre qu'il était allongé dans une roulotte et que la luminosité rougeoyante qui parvenait jusqu'à lui était celle du feu de camp des Carpates. Edwin essaya de ramener tous ses souvenirs à lui malheureusement cela resta très vague. Il se souvenait de s'être élancé dans la forêt pour rattraper Ysatis mais après, sa mémoire ne lui délivrait que des flash éparses. Combien de temps c'était-il écoulé ? Il n'en avait pas la moindre idée, Ysatis était-elle indemne ? Cette question prit alors la priorité qui lui était dû dans son esprit. Edwin essaya alors de se redresser mais cette idiotie lui arracha un cri de douleur étouffé entre ses mâchoires soudainement crispé. Il retomba lourdement sur sa couche et mit quelques temps avant de retrouver une respiration normale.

Elle avait laissée la porte de la roulotte ouverte pour qu’ils puissent entendre le moindre signe du réveil d’Edwin. Ils s’étaient tous relayés pendant la nuit pour le veiller, changer ses bandages et prévenir une montée de fièvre. Son état s’était amélioré il y a quelques heures à peine, tandis que le soleil était à son zénith. Maintenant, la nuit avait repris ses droits et ils étaient réunis autour du feu, parlant peu. Régulièrement, Ysatis revenait dans la roulotte pour vérifier l’état des bandages. Cette fois, lorsqu’elle entra, elle aperçu un vague mouvement sur la couchette. Les couvertures avaient changé de place, et elle perçut un soupir rauque. Elle informa rapidement les autres membres que le pire était passé et que le réveil était proche, ce qui enfin pu les apaiser.

Elle s’assit sur un tabouret, approché près de la couchette, et posa une main sur le front du blessé pour s’assurer qu’il n’avait pas de fièvre. Rassurée, elle se contenta ensuite de replacer les couvertures puis, en prévision, versa de l’eau dans un bol. Il ne tarderait pas à se réveiller complètement, si ce n’était pas déjà fait. Elle faisait tout pour ne pas regarder toutes les cicatrices qui se dévoilaient sur la peau pâle. C’était une torture d’imaginer rien qu’une seconde quels traitements avaient pu laisser pareilles marques, quels instruments avaient su entailler la chair en de si multiples endroits.

Tout va bien

souffla-t-elle tandis que la respiration se faisait plus rapide.

Son murmure se voulait rassurant, mais il était plus triste qu’autre chose. Elle vérifia une n-ième fois que le tissu était solidement noué autour du bras, et qu’aucune trace de sang ne s’y était imprégnée.

Tu n’avais pas à me suivre… ni à courir ce risque.

Elle s'adressait plus à elle-même qu'à lui. Bien sûr, elle se sentait coupable. Mais en colère également, de n’avoir pu empêcher ce qui s’était produit. Pire d’avoir pu en réchapper avec quelques égratignures tandis qu’il avait frôlé la mort. Inutile d’ajouter que la réaction de Zacharie avait été déchirante. Fou de rage, il aurait sans doute agit sans réfléchir si Mazareth ne l’avait pas calmé par des paroles d’une étonnante sagesse.
Assise près d’Edwin, la diseuse de bonne aventure n’ajouta rien. Elle attendit, simplement, sans trop savoir quoi. Refusant de s’éloigner mais sachant que sa présence n’était pas nécessaire.

Sa tentative de se redresser, avorté dans l'oeuf Edwin resta allongé sans trop savoir s'il pouvait bouger sans créer une autre vague de douleur. Le silence ce brisa cependant et il découvrit qu'il n'était ps seul dans la roulotte.

Tu n'avais pas à me suivre...ni à courrir ce risque.

Edwin sourit en reconnaissant la voix de Ysatis et tourna légèrement sa tête vers elle. Elle se tenait non loin de lui et semblé perdu dans de mornes pensées. L'homme descida donc de lui répondre pour manifester son réveil.

Et tu aurais été à ma place, voir pire.

Sa remarque se voulait humoristique même si elle trouvait ses fondements dans la réalité. Mais Edwin ne s'était ni abreuvé, ni nourrit depuis longtemps et sa gorge pareil à un désert protesta violemment aux courants d'air que produisait les sons. L'homme fut alors secouer une quinte de toux qui, en plus d'être désagréable, lui déchira le ventre en deux. Se déchainement de douleur lui fit voir des étoiles plus brillantes les unes que les autres, son champ de vision se troubla tandis qu'il s'employait à stopper sa toux tout en se tenant son ventre au niveau de sa blessure. Finalement il retomba sur sa couche, à moitié assomé par la douleur qui se propageait en lui et il lui fallut plusieurs secondes avant de retrouver une vue correct. Il attendit encore et déglutit à plusieurs reprises pour s'assurer qu'il pourrait parler sans replonger dans ce déchaînement de souffrance, sa respiration se fit plus posé et enfin il sentit qu'il pouvait s'exprimer.

Tu n'as rien ?

Ses souvenirs revenaient peu à peu mais sa mémoire ne lui délivrait aucune information sur le sort d'Ysatis. Arod s'était échappé mais l'avait-il fait à temps.

Il avait raison. Sans lui, elle aurait probablement été incapable de fuir. Sa vision était arrivée trop tard pour qu’elle puisse échapper au piège des hommes. Ils n’auraient pas eut grand-chose à voler sur elle, mais auraient pris le cheval et sans aucun doute sa vie. Edwin s’agita brusquement, comme si ces quelques mots avaient déclenché un enfer dont il était le seul à souffrir. Il toussa, grimaçant d’une façon qui déchira purement et simplement le cœur d’Ysatis. Tandis qu’il lui demandait si tout allait bien, elle glissait une main sous sa tête pour la surélever et présenta le sol d’eau fraîche devant les lèvres du conteur. Elle le forçait presque à boire.

Je vais bien. Arod également…

Elle se garda de préciser qu’il n’en était pas de même pour la jument. Elle avait prit deux coups de lames sur le flanc, et l’une de ses pattes avait dû violemment percuter un tronc d’arbre couché ou une pierre pendant sa fuite. La soigner prendrait du temps, il était certain qu’elle ne serait plus aussi rapide qu’avant. Pendant le temps où le picte était inconscient, elle avait également eut le temps de parler à Zacharie. Le meneur du groupe avait entendu toutes les craintes et ses prévisions avec patience, puis l’avait apaisé de son mieux. Malheureusement, ils étaient proches de Camelot maintenant et ils avaient de besoin de renouveler leurs ressources. L’argent commençait à leur manquer, mais la nourriture également.
Il avait promis à la jeune femme que leur halte à Camelot serait la plus courte possible, qu’ils feraient tout juste assez de représentations pour pouvoir reprendre la route. Elle lui avait dit que le nord semblait être ce qu’il y avait de sûr pour le moment, puis s’était excusé un nombre incalculable de fois pour son comportement irréfléchi. Malgré tout, son intuition avait été justifiée puisqu’elle avait eut la vision attendue. Cependant, elle refusa d’en dire et il y a fort à parier qu’elle ne partagerait le contenu de la prémonition qu’en dernier recours. Mais, réellement, était-ce l’avenir qu’elle avait vu ? Après ces quelques heures passées à soigner Edwin, ces quelques heures à comprendre de quelles tortures il avait été victime, elle n’était plus certaine avoir eut à faire au futur.

Repose-toi. Tu dois rester immobile pour que la blessure guérisse. Tu dois dormir.

Et il dormirait. Autant par fatigue que par l’effet du puissant narcotique que contenait l’eau qu’elle lui avait présenté. C’était peut-être sournois, mais il aurait essayé encore de se lever, ce qui n’aurait fait qu’aggraver les choses. Une fois qu’il eut fermé les yeux, et elle attendit pour cela un long moment, elle se leva, sortit pour vérifier où en était Mazareth avec les soins de la jument. Pendant ce temps, Zacharie et Livia étaient toujours autour du feu, conversant à voix basse. Une bien sombre nuit pour la troupe des Carpates

Edwin laissa Ysatis lui donner à boire mais s'il faillit repartir dans une quinte de toux. Il réussit néanmoins à avorter cela des la première contraction douloureuse et avala tout ce que lui donna la jeune femme. Soulagé de la savoir saine et sauve ainsi qu'Arod, Edwin reposa sa tête sur ce qui lui faisait office d'oreiller. Ce n'est qu'à ce moment qu'il ressentit le contact de la couverture sur sa peau et, l'information s'immisça doucement dans son esprit et bientôt les déductions arrivèrent tout aussi lentement. Il posa alors un regard quelques peu tourmenté sur Ysatis.

C'est toi qui m'a soigné ? Personne d'autre n'a...

L'angoisse de faire fasse aux questions et à l'obligation de produire des mensonges éhontés lui serrèrent la gorge. Il ramena son bras pâle sous la couverture, lui qui avait prit grand soin de dissimuler son corps voila qu'il se retrouvait à moitié dénudé à la merci du premier venue. Ce n'était pas de la honte ou de la pudeur qui le poussait à se cacher ainsi mais la certitude que s'il exposait ses blessures personne ne verrait ce qu'il est, personne ne s'intéresserait à ses paroles, tous l'observeraient, poseraient des questions muettes ou à hautes voix. Il ne voulait pas attirer la compassion ou le dégoût, Edwin voulait qu'on l'écoute, que l'ont rit et que l'on s'émerveille avec lui devant les fresques du monde.
Mais lentement ses craintes s'éloignèrent, son esprit si vif habituellement s'embourba encore une fois dans des nuages cotonneux. Mais cette fois il ne redoutait pas de s'éloigner, cette fois il reconnaissait parfaitement le chant de Morphée et décida d'y céder alors qu'il venait à peine de s'éveiller.

Lorsqu’elle revint une petite heure plus tard, Edwin dormait toujours profondément. Elle avait volontairement dosé le narcotique pour étendre le sommeil aussi longtemps que possible. Dormir était peut-être la seule chose qui ne serait pas douloureuse au conteur pour les prochains jours… semaines. Elle remit une nouvelle fois les couvertures en place, au cas où un autre membre de la troupe aurait voulu visiter le malade, souffla les bougies, puis sortit en fermant la porte cette fois. Dehors, l’humeur des autres membres était toujours sombre. Il avait été décidé que le camp serait maintenu pendant deux jours encore, pour qu’ils ne risquent rien à transporter Edwin. Sage décision. Qui retardait l’inévitable, mais c’était mieux que rien.
Le jour s’était déroulé sans événement particulier. Ils avaient reçu la visite de marchands itinérants qui leurs avaient troqués quelques victuailles contre ce qui semblait être les ultimes pièces de leurs dernières représentations. Lorsque la nuit tomba, Ysatis recouvra de nouveau la vue. Elle prit le nécessaire et retourna dans la roulotte, y faisant circuler l’air avant de rallumer des bougies. Pendant ce temps, Edwin était en train de s’éveiller. Elle venait tout juste de remplacer l’eau mélangée au narcotique par de l’eau pure, en toute discrétion.

Tu as dormi tout le jour… sans cauchemars, j’espère ? … non, ne réponds pas.

Si c’était encore pour qu’il s’arrache les poumons à chaque mot, ce n’était pas la peine. Il devait assez souffrir comme ça sans qu’une discussion inutile lui apporte le coup de grâce. Elle avait apporté de nouveaux bandages et de l’onguent cicatrisant. Elle savait quelles seraient les premières inquiétudes d’Edwin à son réveil, puisqu’elles avaient été les dernières avant qu’il ne s’endorme. Savoir si quelqu’un avait vu l’état de son corps, savoir s’il allait devenir source de pitié pour ses compagnons. Ne voulant pas non plus qu’il s’inquiète de ce qu’elle en pensait, la prophétesse entreprit de lui faire la conversation, même si ce n’était pas son fort. Sa voix était un murmure tendre, maternel, contrôlé. Elle se teintait de délicates inflexions d’amusement, de fausse colère, de douceur, mais ne s’élevait jamais. Ses paroles, exceptées les premières, n’étaient là que pour dissoudre le silence et empêcher que le picte ne se sente mal à l’aise.

J’ai été la seule à te voir ainsi.

Elle entreprit donc de faire ce pourquoi elle était revenue. Elle prit son bras, défit les bandages avec patience pour lui faire le moins mal possible, nettoya la plaie, disposa l’onguent, remis des bandages propres.

J’ai le regret de te dire que la soupe de Livia est terminée. Mazareth a fait cuire une viande à la place, mais il refuse de dire d’où elle provient… ni même de quel animal. Ça ne nous encourage pas vraiment à goûter… d’autant qu’elle a une couleur et une texture très étranges. Enfin, tu verras par toi-même. Zacharie est bien rentré de son passage en éclaireur, je ne sais pas si je te l’avais dis hier.

Puis elle fit de même avec la blessure plus importante, essayant de rendre les choses les moins douloureuses possibles pour lui.

Le sommeil d'Edwin avait été lourd, le mélange de narcotique et du besoin de récupéré réclamé par son corps eurent raison de ses rêves. Tout juste s'il visita une paysage bucolique environ 1 heure avant son réveil. Son esprit n'était pas un très grand adepte des cauchemars, l'homme avait assez de sombre pensée lorsqu'il était éveillé et il bénéficiait donc dans sommeil en chanté la plus part du temps. Lorsqu'il ouvrit les paupières, il constata qu'il faisait nuit et ne savait que trop pensée. Venait-il de s'endormir ou avait-il encore dormi tout le jour. Si la dernière option était la bonne cela serait bien étrange. Edwin découvrit Ysatis à ses côtés, il était décidément bien chouchouté par la demoiselle. Il sourit apparemment heureux de l'avoir avec lui, il voulut répondre à sa question mais fut stoppé par ses dernières paroles.

Après mûres réflexions Edwin trouva en effet judicieux de ne pas parler tant que sa gorge serait sèche, il gardait un souvenir désagréable de cette dernière expérience. Il s'employa donc à déglutir même si son attention fut détourné par les gestes d'Ysatis. Ses muscles se crispèrent légèrement lorsqu'il comprit ses intentions, réveillant le monstre endormie qui sommeillait jusqu'à présent dans son ventre. Il ne put éviter une grimace de douleur avant de fixer le plafond pour pouvoir se concentrer sur la détente de ses muscles.

J'ai été seule à te voir ainsi.

Edwin baissa les yeux vers Ysatis et lui communiqua en remerciement sincère par son simple regard bleu cristallin. Puis il redirigea son attention sur le plafond car les manœuvres de la jeune femme, aussi douces soient-elles, n'étaient pas sans douleur. Il se concentra et essaya de penser à autre chose pour éviter quelconques réflexes ou protestations mal placés. Le résultat était on ne peut plus encourageant d'autant plus qu'Ysatis s'employait à lui changer les idées. et après s'être assuré que sa gorge était assez humide pour supporter l'exercice de la discussion Edwin lui répondit d'une voix qui se voulait amusé même si elle perdait en assurance à chaque geste de la demoiselle.

Si j'arrive à avaler quelques choses, je pourrais peu être savoir de quoi il en retourne.

Les Pictes étaient des chasseurs, Edwin avait eu le droit à toutes sortes de viandes dans sa jeunesse et si Mazareth avait trouvé un animal qu'il ne connaissait pas il serait ravie d'essayer de tirer des informations de son compagnon. Cela lui ferait une occupation distrayante et surement très étendu dans le temps.

Il ne pourrait pas monter à cheval pendant plusieurs semaines sans ressentir une douleur terrible. Arod serait sans aucun doute furieux et refuserait que quiconque tente de le monter, mais c’était ainsi. Il fallait donner le temps à la blessure de cicatriser ; ils n’avaient de plus aucun moyen de connaître les réels dommages. L’infection et une hémorragie avaient été évitées par chance, mais il faudrait encore surveiller la propreté des bandages et, surtout, surveiller Edwin pour qu’il ne décide pas un beau matin de partir à cheval malgré tout. Ce serait la partie la plus difficile. A cette pensée, la jeune femme eut un sourire qui s’élargit peu à peu, tandis qu’elle imaginait les autres membres de la troupe tenter par tous les moyens d’empêcher le conteur de bouger. Elle préférait imaginer ce genre de scènes plutôt que de repenser à sa vision, et à la façon dont avait Edwin de la remercier. Il était si sincère et reconnaissant qu’elle ne pouvait qu’imaginer quel de quel mal il aurait eut à souffrir si les autres avaient vu ses cicatrices. Pour le regard de la prophétesse déjà, il devait être gêné. Mais elle ferait tout pour lui faire oublier.

Ses gestes restaient méticuleux tandis qu’elle débitait un flot relativement important de paroles sans queue ni tête. La réponse du conteur la surpris presque, comme si elle le croyait déjà inconscient. Ses mains finirent de nouer solidement les bandages autour du ventre avant qu’elle ne réponde.

Eh bien, je vais t’apporter ça et nous allons voir. Mais si tu trouves et que c’est susceptible de nous couper l’appétit, alors ne dis rien par pitié.

Elle essuya ses mains dans un linge puis posa l’une d’elle sur le front du picte avec un regard appréciateur. Pas de fièvre. Il était définitivement hors de danger. Elle partit donc rejoindre les autres autour du feu et prit un peu de la fameuse viande de Mazareth, qu’il fallut ensuite couper en morceaux très fins. Reconnaître l’origine du met serait d’autant plus difficile que la texture en était de ce fait changé, de même que la couleur à cause de la sauce. En revenant dans la roulotte, elle ne put s’empêcher de jeter des goûts d’œil méfiants vers l’intérieur du bol en bois, avant de le poser sur le meuble à côté de la couchette. Elle hésitait à aider Edwin à se redresser pour manger, ne sachant trop où en était le stade de sa douleur ou s’il s’agacerait d’être à ce point assisté. Jugeant qu’il préférerait souffrir un peu plutôt que de se sentir materner outre mesure, elle s’assit sur le tabouret et entreprit de ranimer la flamme de l’une des bougies.

Nous arriverons à Camelot dans deux jours.

Une phrase simple, anodine, mais qui laissait planer une menace qu’ils sentaient tous deux, qu’ils avaient partagé, et choisit d’ignorer.

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