Avant la fin du voyage [Terminé]

Edwin serrait son poing droit avec acharnement et se concentrait sur les moindres détails du bois que présentait le toit de la roulotte. Sa faculté de laisser échapper son esprit du réel était d'un grand secours, seul les quelques grimaces et la contraction de son poing laissait transparaître la douleur que provoquait Ysatis. Quand enfin elle termina le bandage Edwin mit plusieurs secondes avant de détendre ses muscles et de retrouver une respiration régulière. Il sourit à la remarque de la jeune femme mais avec un temps de retard. Celle-ci disparut quelques instants, Edwin en profita pour ramener légèrement la couverture sur son torse, les vieux réflexes avaient la vie dures. La dernière fois qu'il avait été autant exposé c'était pendant son court séjour dans la forêt auprès de la magicienne. Tandis qu'il rappelait à lui le visage de cette femme Ysatis re-aparut avec la viande si suspect. Il jeta un regard de travers et amusé au contenu du bol avant de réfléchir au moyen de se redresser. Edwin n'avait pas bougé depuis près de deux jours en plus de ses blessures ses muscles devaient être engourdi. Malgré tout il replia ses bras et tenta de se redresser, il bascula la majorité de son poids sur le bras valide et essayait de ne pas penser à son ventre qui lui donnait l'impression de se déchirer. Il ne put réprimer un râle mais finalement, en progressant centimètres par centimètre, il se redressa convenablement. Edwin attrapa alors le bol tandis qu'Ysatis rompait le silence.

Nous arriverons à Camelot dans deux jours.

Edwin observa la viande coupé haché menu en gardant un air amusé. Il se trouvait face à une énigme ce qui le poussa à nier l'aspect négative d'un prochaine séjour à Camelot. Il était décidé à vivre au jour le jour et s'il devait lui arriver quelques choses, il aviserait pour le moment on allait voir si son estomac était capable de digérer cette chose.

Il ne fallait pas s'arrêter pour moi, je suis sur que nos réserves sont minces surtout si Mazareth s'exerce à la chasse.

Peu être était-ce une façon idiote de réagir, d'ignorer la menace qui plane. Mais c'était la seule façon pour qu'il ne termine pas en hermite, agoraphobe.

S’il n’y avait eut leur échange enjoué en surface, la situation aurait plus qu’étrange et pesante. Ils se cachaient l’un l’autre certaines choses, partageaient des angoisses tout à fait justifiées. De plus, tandis qu’Edwin tentait de conserver un semblant de pudeur vis-à-vis des tortures de son passé, Ysatis tournait et retournait la désagréable situation dans sa tête pour trouver une solution. Pour remédier à leurs pressentiments, elle était prête à tout : y compris à trahir la confiance d’Edwin si besoin était. Un sacrifice acceptable si cela pouvait sauver la vie du conteur. Malheureusement, malgré tous les sacrifices auxquels elle consentait, sa détermination ne changeait rien à la menace… quelque chose attendait à Camelot, tapis dans l’ombre. La diseuse de bonne aventure pouvait presque sentir des griffes acérées s’enfoncer dans leur gorge. Ses sombres pensées ne se trahissaient pourtant pas derrière son sourire tour à tour amusé, rassurant, jamais compatissant. Le conteur n’avait nul besoin d’une quelconque pitié, et elle n’était pas du genre à plaindre.

Oh ça n’a rien à voir avec toi. Le cheval de Zacharie a une patte enflammée. Nous devons attendre qu’il puisse voyager sans peine avant de continuer.

Absolument pas convaincant. D’autant qu’elle lui adressa un sourire de connivence censé faire disparaître les derniers signes de malaise. Du menton, elle désigna le bol.

Alors, qu’est-ce que tu en dis ? C’est un animal au moins ?

Tout en parlant, elle commença à préparer ce qui devait être un calmant pour le malade. Préparer est un bien grand mot. Elle n’eut qu’à défaire un tissu qui renfermait des herbes sèches, faire tomber celle-ci dans de l’eau bouillante et attendre qu’elles infusent. Restait ensuite à les retirer une à une de l’eau, pour ne pas choquer au goût. Elle déposa ensuite la mixture sur la table, à portée, sans avoir besoin d’expliquer que, brûlant ou pas, le breuvage calmerait pour un temps les élancements des blessures. Après un moment, long, sans être pesant, mais paisible, elle se leva enfin.

Bien… je vais te laisser dormir. Si tu as besoin de quelque chose, tape quelque part on t’entendra.

Ses pas firent grincer le sol de la roulotte instable, tandis qu’elle ressortait. Juste avant de passer le pas de la porte, elle se retourna et eut l’air d’hésiter à dire quelque chose. Mais, finalement, elle demeura silencieuse et se contenta d’un simple sourire, comme à son habitude, et d’un regard tendre, confiant. Point n’était besoin de plus pour des remerciements sincères et des excuses, ou même pour transmettre plus directement le sentiment d’une honnête et profonde amitié. L’ombre de la diseuse de bonne aventure s’éclipsa, le silence retomba lourdement sur la roulotte.