Alwine c'était levé tôt, ce matin-là. Sans raison particulière, si ce n'est la décision bien ferme de profiter de sa journée. Après tout, elle n'en avait pas encore vu passer assez pour que ce fût vraiment devenu quelque chose de banal. Et, puisque l'heure était vraiment matinale, elle avait traversé le château d'un pas absent, ses pensées vagabondant dans son court passé, confiante qu'elle était dans le fait que le bâtiment la conduirait tôt ou tard à la pièce où elle voulait aller. En l'occurence, elle n'était vraiment pas pressée. Elle avait tout son temps. La pièce qu'elle visait, c'était une de ses préférées. Sa maman l'avait aménagée rien que pour elle, avec sa grande cheminée au foyer imposant, son tas de bois plus que respectable, son épaix tapis moeleux devant le feu et ses étagères remplies d'objets diverses. Comme remmerciement, elle avait eu droit à un câlin... Oui, c'était quand elle sortait à peine de l'enfance, alors elle avait écouter son instinct, la petite pyromane ! Parce que la pièce lui plaisait vraiment beaucoup.

Elle y arriva finalement, et s'assit en tailleur devant le feu, bien confortablement. Ce jour-là, ses cheveux semblaient riches de milles nuances de bruns sombres dans les reflets des flammes, ne prenant pas une teinte noire comme ils le faisaient souvent. Elle semblait avoir un peu moins de vingt ans, même si en vérité elle n'avait que quelques jours d'existance, et ses yeux se gorgaient, comme toujours, de la beauté sans pareille du brasier dans son infinité d'étincellantes lumières. Sa propre beauté était comme magnifié par celle-là, qu'elle appréciait tant, même si elle-même n'en avait pas vraiment conscience... Pas encore tout du moins. Plus tard, elle saurait en profité, bien entendu. Comme de tous les atouts que lui avait donné la nature, d'ailleurs. Elle ne semblait que plus jolie dans sa robe couleur de jais, qui contrastait autant avec sa peau blanche que ne le faisaient les autres éléments de son corps. A son poignet droit scintillait un bracelet d'or certi de rubis et sa ceinture du jour possédait une boucle argentée finement travaillée en torsade.

Pendant un bon moment, elle avait simplement contemplé les flammes, comme elle pouvait le faire pendant des heures et des heures sans jamais se lasser. Bientôt, ce seraient des villages qu'elle ferait brûler, et des cris se mêleraient aux crépitements du feu, mais pour le moment cette cheminée lui sufisait parfaitement. Quelques fois, il arrivait qu'on vienne lui tenir compagnie, à dessein ou non, mais, généralement, quand quelqu'un passait dans la pièce, cherchant son chemin, et ne s'arrêtait pas, elle ne lui adressait pas la parole, si tant est qu'elle le remarque. D'autres fois elle entraînait les gens dans une conversation, que ça leur plaise ou non. N'était-elle pas la fille chérie de Morgane la Fée, la maîtresse de tous ceux qui vivaient dans ce château ? La soeur du futur roi Mordred ? Qui aurait osé s'opposer à elle sans une bonne raison... Sans oublier qu'elle avait vite fait de rappeler qui si elle aimait tant le Feu, le Feu lui obéissait également sans le moindre problème, et qu'une brûlure au troisième degré pouvait faire très mal...

Cette fois, ce fût seulement quand l'autre fût arrivée tout à côté d'elle que notre héroïne se rendit compte de sa présence. Non pas que ce fût suffisant pour lui faire lever la tête. Pourtant, quelque part dans son esprit, un morceau de son être nota que se n'était ni sa mère ni Mélusine... Une domestique, donc ? Elles n'étaient pas si hardie, d'habitude... Car, bien sûr, l'autre était une femme... Du reste, elle n'eût pas à attendre – bien qu'elle eût pu le faire – longtemps avant que sa visiteuse ne prenne la parole.

"Le Feu est quelque chose de fascinant, n'est-ce pas ? Ces flammes dansantes, insaisissables, brûlantes, aux couleurs si chatoyantes. Le feu est quelque chose avec lequel peu de gens peuvent jouer. Mais ceux qui le peuvent ne s'en prive généralement pas."

C'était assez innatendu et intéressant, en plus d'être rigoureusement exact, que sa tête se déplaça de quelques centimètres pour qu'un de ses yeux se lève vers l'autre, qui regardait le feu, elle aussi. Assez pour voir les flammes venir se loger dans sa main, puis prendre la forme d'un dragon pour s'envoler et retourner vers le brasier.

"Je ne crois pas avoir déjà eu l'occasion de vous croiser ici. Qui êtes-vous donc jeune demoiselle ?"

Alwine pencha la tête sur le côté, détachant son regard pourtant toujours plein de reflets flamboyants du feu qui les avaient fait naître.

« Je t'aime bien... Tu parles juste... »

Quoi ? Qu'elle réponde à la question ? Et puis quoi encore ! Si elle était une personne normale, ça se saurait déjà, malgré son (très) jeune âge...

« Et puis t'es sympathique, je trouve. »

Le tout accompagné d'un petit sourire... Et puis, d'un mouvement du poignet, elle créa un serpent de feu qui vint faire le tour des deux femmes, ses yeux rougeoyant aussi réaliste que ses écailles.

« Je suis Alwine et je suis ici depuis toujours... La question est plutôt de savoir qui toi tu es, intruse. »

Le serpent se dressa brusquement en posture d'attaque, entre la fille de Morgane et l'inconnue. Bien sûr c'était autant de l'art qu'une menace... Quand elle menaçait, elle était parfois beaucoup plus... Terre à terre.