La tempête grondant et se déchaînant sur la mer en une explosion de puissance déchaînée. Un spectacle qu'il avait eu envie de voir, impulsivement. Il avait toujours aimé les tempêtes, sans savoir pourquoi ou même s'en soucier. Enfant, déjà, il était sortit plus d'une fois du couvert abrité d'Alfirin, abrité par une Magie ancienne, très légèrement, pour aller se nicher dans un arbre, pas le moins du monde en danger, et regarder les éléments se livrer à leur danse, une danse à la fois si violente et si harmonieuse, si belle et si terrible. Une danse merveilleuse. Il pouvait rester de longues heures à les contempler, les tempêtes, avant de finalement s'endormir entre les branches de son protecteur du jour, son esprit assoupit en harmonie avec ce qui l'entourait...

A présent il était adulte, et éveillé au chaos bien plus profond, bien plus vaste, bien plus imprévisible : la Magie et ses imprévisibles méandres. Quand la tempête soufflait, il faisait corps avec elle, il s'envolait dans le ciel tourmenté, Mage entre les mages, puissance dans le vent tournoyant. Quand il ne la provoquait pas, bien entendu, même s'il était assez sage pour ne pas en déclancher à proximité d'Alfirin. Pas trop souvent. Pas quand on pouvait savoir que c'était lui, disons. Le Roi était près à lui passer quelques folies, de temps à autres... Encore heureux pour un personnage tel que lui, dont la loyauté pour son Souverain était une anomalie de constance au milieu d'une vie chaotique à souhait.

Mais la Mer n'était pas, comme il se l'était déjà fait la remarque la dernière fois, Alfirin l'Eternelle. L'Océan était bien loin de sa vaste et antique forêt, au coeur enchanté et plein de pouvoir. Ici, rien ne l'empêchait de se laisser aller, de déchaîner ses pouvoirs, d'invoquer les éléments en un balet de puissance. Pour oublier quelques temps ses préocupations, cette histoire de Délégation Elfique mandée par Arthur – quelle stupidité – ou les nombreuses incursions hors du territoire du Beau Peuple qu'il avait dû effectuer pour remplir au mieux son devoir, et tout ce qu'elles impliquaient, tous ce qu'elles avaient entraînés et entraîneraient encore. Pour déposer quelques instants son devoir lui-même, et se laisser pleinement aller sur les sentiers vagabonds de sa folie. Une folie glorieuse, certes, de façon indiscutable, mais une folie bel et bien réelle.

Quand il était arrivé sur la falaise, dressée domme un défis face aux étendues salées qui étaient si semblables à celles qui sommeillaient dans ses orbites, le temps était beau. Ensoleilé même, avec juste une légère brise rafraichissante, née de la proximité même de la Mer. Ce fût d'elle qu'il s'empara en premier, avec quelques mots murmurés, aussitôt emporté, alors que son esprit se concentrait pour mobiliser les autres éléments de la tempête qui se préparait. Il s'empara de la brise, il l'emplit de pouvoir, de puissance brute, puisée aux réserves profondes de son être, des réserves dont les racines s'enfonçaient loin, telles les racines des géants arboricoles qui les avaient vu naître et se développer...

Une fois le vent fort, violent, il s'en servit pour appuyer sa Magie. Il alla chercher les nuées, rassembla les nuages, les gonfla de pluie, chose facile au bord de l'Océan, plus encore qu'en sa Forêt, les fit se heurter, généra éclairs et grondements. Et puis il laissa se déchaîner son pouvoir, rendit la tempête forte et violente, se contrôlant juste assez pour ne pas engendrer une tornade ou un ouragan. Seul, bras tendus vers le ciel, sous la pluie à présent battante, il cria sa joie primale dans ce qui était l'expression la plus ressemblante, bien que terriblement éloignée encore, du chaos qui façonnait son être au jour le jour, d'où il tirait sa puissance aux limites si lointaines. Il laissait parler la partie « animale » de son être, la partie la plus proche de la nature, la plus sauvage, qui sommeillait en chaque Elfe... Bien que ses yeux restes bleus.

Sinon un cataclysme serait né...

Et enfin, finalement, prononçant une nouvelle formule chargée de pouvoir, il se fondit dans la tempête, se fit pluie cinglante et vent violent, foudre déchaînée et flots agités. Son être dansant avec les éléments, il tourbillonna lui-même dans la tourmente, heureux d'une joie primaire, première et absolue, comme il n'en avait que grâce à la Magie, qui était son souffle, ici encore. Il avait conscience de chaque goutte d'eau avant qu'elle ne s'écrase, de chaque obstacle aux bourasques puissantes, de chaque crevase où s'engouffrait sa création. Magicien de premier ordre, il étendit encore sa conscience, pour profiter un peu plus de l'instant, sentant les animaux et leurs émotions devant ce changement de temps innatendu, les esprits du lieu partageant son exaltation.

C'est ainsi qu'il les sentits. Deux êtres qui n'avaient rien à faire là. Un cheval et... et quoi exactement ? Ce n'était pas une Elfe, non, assurément. Mais ce n'était certainement pas une Humaine... Une Semi-Elfe ? Oui, à moitié Elfe, mais il y avait... Il y avait autre chose. A cette distance, dispercé dans la tempête, il ne su dire quoi, quelque chose qui lui évoquait une odeur d'herbe, et une mélodie oubliée. Assez, bien assez en vérité, pour éveiller son insatiable curiosité, toujours à l'affut, moteur de nombre de ses démarches, d'une grande part de sa vie, soutient de ses talents pour croître et prostérer, qualité indispensable pour un Mage tel que lui. Il décida d'aller voir.

Il y eu un éclair, des mots murmurés et perdu dans le fracas des vagues, et Gil-Galad apparut à l'entrée de la grotte qui avait attirée son attention, bien sombre dans la tempête noire. Il n'avait pas pensé piègé quelqu'un ici, mais ça ne lui posait nul problème d'ordre moral. Ce n'était franchement pas son genre.

« Damoiselle ? »

Sa voix, claire et audible malgré la violence des éléments, non pas sans un petit coup de pouce magique, résonna dans la caverne. De son pas souple, il s'avança dans les entrailles de la falaise, s'approchant de celle qu'il savait être là...

Dehors, la tempête, qui n'avait pas été créée pour se déchaîner sans lui, se calmait doucement, l'auréolant de lumière, puisqu'il était à contre-jour. Mais une partie de son esprit, celle qui sommeillait dans l'âme de chaque Elfe, celle qui était si bestiale, et si rouge, tellement rouge, se raviva immédiatement, telle une flamme attisée qui se dresse aussitôt. Imprévisible, comme toujours, il l'écouta, et d'un murmure relança le balais du vent et de la pluie, la danse des nuages et des éclaires. Les nuées étaient là. Il ne lui fallait pas grand-chose pour les animer de nouveau en une puissante tempête, prolongement de celle dans laquelle il s'était fondue, de chaque côté de ce qui semblait à présent une simple accalmie dans la furie des éléments...

Pourtant, il ne retourna pas se mêler aux forces de l'orage. S'il était entré dans cette grotte, ce n'était pas sans raison, après tout... Il avait quelqu'un à trouver, quelqu'un qui l'intriguait assez pour le faire quitter le ciel où il laissait se déchaîner ses pulsions, Mage enchantant la Magie comme d'autres rêvaient le Rêve... Et la curiosité était son plus grand moteur.

"Qui… Qui est là ?"

La voix, malgré l'hésitation et la méfiance bien perceptible, était ferme et volontaire. Assez belle, aussi, pour une voix mortelle... Mais sa propriétaire n'était pas si mortelle que ça, s'il ne se trompait point, et il était très improbable qu'il se trompe. C'était chose impossible. Ou plus d'extrêmement rare, à la limite...

« Moi. »

Un mot, un seul, une réponse claire, concise... et vague à souhait. Qui, chargée de Magie résonna dans caverne sans pour autant tonner comme le faisaient les éclats de la tempête. Il s'avança encore de quelques pas, s'orientant avec facilité dans la pénombre...

« Mais je manque à tout devoir de politesse... Déjà, vous ne pouvez me voir clairement... »

Il y eu un murmure presque inaudible, une brise imperceptible, un geste aussi léger qu'impérieux, et une lumière magique, douce et claire, naquit entre eux, au-dessus de leur tête.

« Voilà qui est mieux... »

Son regard océanique détailla la jeune femme, un léger sourire étirant ses lèvres quand ses yeux passèrent sur l'épée prête à être dégainée. Lui-même n'avait pas l'air un instant d'avoir subit la fureur des éléments qu'il avait déchaînée. Sec, ses cheveux bruns et sa tenue noire pas plus désordonnés que d'habitude, il aurait aussi bien pu sortir de ses Bois.

« Je suis Gil-Galad, Gil-Galad Vorondwë, Mage du Roi Llandon. »

Et de s'incliner avec une grâce qui confirmait, si besoin était, son appartenance implicite au Beau Peuple sur lequel règnait le plus grand des souverains, qu'il venait de citer. Il pensait qu'il y avait une dose raisonnable de chances pour qu'elle reconnaisse ce nom...

« Et vous, qui êtes-vous ? Et que comptez-vous tenter de faire avec cette épée ? »

Une esquise de sourire passa à nouveau sur ses lèvres. Une lame ne pourrait jamais le vaincre, quelle que soit la main qui la maniait. Il était le Magicien Royal, après tout... Et tellement plus que cela, également !

[HRP]Pas grave, t'en veux pas, je suis pas terrible non plus sur le coup ^^[/HRP]

Lentement, très lentement, la jeune inconnue abaissa le regard, comme si elle répugnait à quitter des yeux sa silhouette drapée de noir, jusqu'à ce poser sur la main qui était toujours posée sur la poignée de sa lame... Et de l'en ôter aussitôt. Bonne réaction, très bonne même. Elle confirmait en outre qu'elle avait comprit ce que voulait dire ses paroles, qu'elle avait perçue la Magie qui battait comme un coeur. C'était prévisible. Le fait qu'elle tombe à genoux pour se prosterner était moins attendu par contre, et il haussa un sourcil. Qu'elle ne vit pas bien sûr puisqu'elle avait baisser la tête pour ajouter à sa posture de prostration.

"Pardonnez mon impudence mon seigneur… Je ne savais pas… Pardonnez moi… "

« Mon seigneur »... Elle le prenait pour quoi, un noble Humain ? Certes, il n'avait rien contre un peu de servilité et d'humilité, mais elle n'avait pas besoin de pousser la chose jusque là. S'il avait été mécontent, son ton aurait sans doutes été différent... Et elle n'aurait probablement plus le choix de grand chose, sa lame changée en poussière ou son corps entié paralysé par sa Magie. Là il était juste amusé, non pas moqueur pourtant, quoi qu'il aurait pu dans sa situation. Il était plutôt indulgent sur le coup, mais il ne lui répondit pas, pourtant, préférant la laisser continuer, et préférant croiser le regard sombre du cheval qui l'accompagnait.

" Je suis Marianne de Bergerac..."

Hum... « de Bergerac »... Au moins elle avait redressé le dos pour se présenter, quoi qu'elle reste à genoux, les yeux baissés. Pourtant il choisit de ne toujours pas lui répondre, et s'approcha en quelques pas souples et fluides, vers la monture de la damoiselle, dont il caressa doucement la tête avec cette harmonie animale qui était si propre aux Elfes, fils et filles de la Nature entre tous...

« Albane... Enchanté... »

Sa voix était devenue douce et chantante, comme une cascade de montagne qui s'élance aux premiers rayons de l'été, comme une pluie douce après la sécheresse, comme une lumière au coeur de l'obscurité. Sa main caressa l'animal avec une douceur égale, et pendant un long moment, le bruit de la tempête, puissant, emplit seul la grotte où ils se trouvaient...

« Hum... Vraiment ? Voilà qui est bien... Très bien... »

Après une dernière caresse, il se tourna vers la jeune femme, la contemplant un instant avant de glisser sur le sol jusque devant elle et de s'accroupir jusqu'à arriver à son niveau.

« Damoiselle... »

Il restait un peu de l'intonation si particulière qu'il adoptait avec la animaux dans sa voix, et il y avait aussi une certaine douceur dans son geste quand il tendit le bras pour lui prendre le menton et relever son visage avec le mélange de souplesse et de force qui caractérisait le Beau Peuple.

« Vous n'avez nul besoin de vous agenouiller devant moi. Encore moins de vous prosterner comme vous venez de le faire. Je n'en demande déjà pas tant aux simples Humains... La plupart du temps. Pourtant, nombre d'entre eux le mériteraient, contrairement à vous. »

Un sourire revint étirer ses lèvres fines, tandis que ses yeux océaniques pétillaient doucement, emprisonnant dans une prison sans contraite le regard de la jeune femme.

« De Bergerac... Je n'avais plus entendu ce nom depuis longtemps... Et ce n'était pas pour l'encencé, loin de là. On pardonne difficilement à ceux qui ravissent les trésors de la Forêt après qu'on les ait invités à y entrer. Et le coeur des Elfe est un bien grand trésor... »

On pardonnait aussi bien difficilement, plus sans doutes, à ceux et celles qui laissaient se trésor se faire ravir du fin fond de leur poitrine... Il le savait bien.

« Pour ma part, je pense que chacun et chacune est libre de ses choix, et je ne comprend que trop bien ceux qui suivent leur amour, bien que je ne les envie pas, ô certes non, pas elles et eux entre tous... »

Ses pensées voletèrent un instant du côté d'une autre femme, moins jeune même si elle n'en paraissait pas moins, bien loin de son havre natal... Du côté d'une amie. Mais elles revinrent bien vite au moment présent tandis qu'il se redressait, espérant l'entraîner dans son sillage.

« Comment se porte votre mère, dites-moi ? »

La jeune femme, la jeune Marianne, semblait de plus en plus étonné à mesure qu’il lui parlait. Etrange… Elle devait bien se douter, pourtant, que l’histoire de ses parents, comme toutes les autres, n’était point oubliée par les Elfes, pas après si peu de temps. Leur mémoire était proverbiale, et qu’était-ce que quelques décennies pour eux, surtout pour quelque chose d’aussi rare et grave à leur yeux ? Car le départ d’une des leurs, qui avait quitté leur Forêt et leur Peuple pour toujours, par amour pour un mortel qui plus est, était un événement aussi exceptionnel qu’exceptionnellement désapprouver par tous. Dans l’esprit elfique, c’était chose quasiment inconcevable, tant pour eux que pour celui ou celle qui était touché par l’amour… Les années humaines filaient si vite, et au final seul le chagrin attendait l’Elfe en bout de route...

" Je ne sais pas d‘où vous tenez toutes ses informations… A moins que vous ne soyez un elfe, aucun humain ne connaît l’histoire de mes parents… "

Elle avait dit ça après c'être relevée difficilement... Et c'était à son tour d'être surprit, même s'il ne manifesta son émotion qu'en haussant doucement un de ses fins sourcils. C'était seulement maintenant qu'elle se rendait compte qu'elle avait affaire à un Elfe ! Mais par toutes les circonvolutions de la Magie, elle se montrait moins dégourdie que certains petits Humains et Humaines qui avaient croisés sa route ces derniers temps malgré son héritage, et il se sentait un peu déçu sur le coup. Comment pouvait-on hésité à le désigner comme un membre du Beau Peuple quand on avait une moitié de sang elfique dans les veines et que de surcroit on avait même été élevée par une autre de ses membres ? C'était... Décevant, il n'y avait pas d'autre mot, et une moue vint doucement étirer ses lèvres.

Parallèlement, son esprit, vagabondant en partie, comme il le faisait presque toujours, tournait et retournait la situation dans tous les sens possibles. Elle n'était pas idiote. Il l'aurait vu, et puis la jument lui avait livré un avis plutôt positif. Sa mère, pour autant qu'il s'en souvienne, et sa mémoire était du genre remarquable, n'aurait pas été du genre à l'abandonner. Ou même à mépriser la culture elfique au point de tenter de se faire passer pour Humaine ou de l'occulter totalement aux yeux de sa fille, ce qui n'aurait de toute façon pas été possible... Avant qu'il ne puisse commencer à échaffauder d'autres hypothèses, toutefois, la jeune femme reprenait la parole.

" Ma mère n’est plus… "

Il absorba l'information brutale avec sa retenue habituelle quand il était calme, son sourcil de se haussant qu'un peu plus. Une Elfe... Morte dans le monde des Hommes ? Après si peu de temps ! Mais comment diable cela était-ce possible ? Son chevalier de fer blanc ne l'avait pas protégée ? Elle ne s'était pas protégée, de ces misérables créatures mortelles ? Ou bien était-elle morte en donnant la vie à sa fille ? Autant de possibilitées qui tourbillonnaient, attendant que Marianne donne voix à l'une d'elles. Mais l'hybride demeurait obstinément silencieuse...

« Voilà qui est pour le moins... Innattendu... »

La plupart de ses frères de race auraient haussé les épaules, ne se souciant pas de la fin d'une bannie. Il fallait bien dire d'ailleurs que, même s'il n'en laissait rien parraitre, la fibre qui vibrait principalement en lui n'était ni la tristesse ni la pitié mais... La curiosité.

« Sa folie l'aura donc perdue... »

Car l'amour était une amère folie, sans aucun doute possible... Mais soudain, il fût las d'attendre les réponses de son interlocutrice, qui ne venaient qu'au compte goute. Avec l'instinct animal des Elfes et sa propre impétuosité naturelle, qui tenait à son caractère proprement et absolument imprévisible, il réduisit à néant la distance qui les séparait, lui saisisant de nouveau le visage d'une main, toujours avec toute la force de sa race mais sans aucune douceur, la forçant à plonger son regard aux couleurs changeantes dans les profondeurs tourbillonnantes logées entre ses propres orbites, et qui semblaient à présent aussi agitée que la mer « véritable » qui dansait avec la tempête au-dehors. Impossible, totalement impossible, à confondre avec un regard mortel...

Les mots qu'ils prononça ne contenaient pas la moindre douceur, eux non plus, pas plus qu'ils ne pouvaient être assimilé à une quelconque langue mortelle. C'était de l'elfique, sous une forme ancienne, et « ancienne » était un mot bien plus chargé d'ans pour les Elfes que pour les Humains. Les mots eux-mêmes étaient chargés de bien autre chose : de la Magie, et du pouvoir. Un grand pouvoir en vérité, assez grand pour créer et dompter la tempête, assez grand pour se fondre dans la pluie et les éclaires... Assez grand pour surpasser presque tous les autres, et par la même pour lancer ce sort-là, tandis que la foudre tombait comme jamais, hors de la grotte et pourtant toute proche, la puissance répondant à la puissance, une oeuvre grondant devant la naissance d'une autre, non moins grandiose, bien au contraire même.

C'était un sort de mémoire. De souvenirs. Plus précisément, il lu dans l'hybride l'épisode qu'elle ne pouvait manquer d'avoir à l'esprit : la fin de sa mère. Ou plus exactement de ses parents... Non pas un récit, car les récits sont incomplèts, mais le déroulement exact des événements comme ils s'étaient imprimés dans son esprit. Nulle pitié dans ce sort, nulle délicatesse dans l'extraction brutale des reflets du passé, qu'il vécu comme une vision, qu'il s'appropria, analysa avec sa vivacité naturelle. La plupart de ses frères auraient désaprouvé sa méthode, même sur une semi-Elfe, mais ils auraient désaprouvés tellement de choses qu'il avait faites et qu'il ferait encore !

Finalement, il abaissa sa main, avec lenteur, rompant tout à la fois les contacts physiques, visuels mais aussi magique, la libérant de l'emprise de son sortillège. Il y aurait eu bien d'autres moyens d'arriver à ses fins, certains bien moins déplaisants... Il n'y avait même pas songer. Et il observait maintenant sa « victime », curieux de savoir ce qu'elle allait faire, tandis qu'une partie de son esprit absorbait pleinement ce qu'il venait de voir, passant et repassant sur ces souvenirs venus d'au-delà de lui-même et de sa façon de percevoir habituelle.

Désolé pour le retard et la qualité moyenne ^^

Etrangement, ce fût au moment où le choix lui était retiré que la damoiselle avait voulu saisir le choix... Comme un dernier sursaut de son esprit qui, après tout, était à moitié elfique. Mais trop tard, oh oui, trop tard pour tenter de le saisir : il était déjà hors de porté.

" Mais…"

Pas de suite à ce début d'objection, car il prenait déjà son menton dans sa main puissante. Pas plus de suite à son ébauche de résistance, quand elle tentit en vain de décrocher cette main, en posant les siennes sur son bras. Certes, une moitié de son sang était également d'origine elfique. Certes, l'autre était celui d'un vigoureux guerrier. Mais son propre sang, celui qui coulait librement dans ses veines de Mage, appartenait tout entier au Beau Peuple, et portait toute son irrésistible force. Toutefois, même si cela n'eut pas été le cas, si la situation avait été plus équilibrée, si elle avai été pleinement Elfe, donc, cela n'aurait rien changé. C'était la puissance des Arcanes qui se répendait en lui, impossible à combattre si même on avait la folie d'essayer, et ça la jeune femme sembla rapidement le comprendre... D'autres n'avaient pas eu cette intelligence, jadis.

Et puis vinrent les Mots.

Il vécu les souvenirs comme Marianne elle-même les revivait, par les yeux de l'enfant qu'elle était alors, en sentait les émotions de la fillette, bien différentes des siennes propres, même au temps de sa propre enfant. Sa mère était morte en lui donnant jour, son père s'était laissé dévoré par le chagrin insondable que lui causait la perte de son aimée. Il ne savait rien de ce qu'il sentait en vivant cette fraction du passé de la Semi-Elfe, et cela ne faisait que renforcer sa capacité à prendre du recule par rapport à ce qu'il « vivait », analysant dans le vif l'ensemble de la scène. Elle ne savait pas grand chose, au final. Sa mère et son Humain de père, encore dans la force de leur éphémère âge, avaient été tués, et rapidement encore, alors qu'elle était elle-même absente... Mais la manière dont il récolta ces informations lui apprit bien d'autres choses sur la damoiselle...

Finalement, il défit le sort et relâcha son emprise, la laissant libre... Elle s'effondra à genoux, sous le coup de quelque faiblesse physique ou émotionnelle. Ses poingts crispés, elle avait des larmes dans les yeux, et de la haine mêlée de mélencolie dans la voix... Ca en devenait presque touchant.

"Pourquoi avez-vous fait cela ?!"

Que c'était poignant... Impulsivement, comme toujours, il rit. Et dans se rire, il y avait le bruissement de la Magie, et le chant du vent dans les feuilles, ni bon ni mauvais, imprévisible et chaotique. Dans se rire, il y avait le bruit du vent et de la pluie, et le fracas du tonnère quand s'abat la foudre, comme si c'était l'orage qui tonnait en lui.

« Pourquoi m'en serais-je abstenu ? »

Nulle pitié dans ses paroles, non plus que dans son rire. Nulle pitié, et nulle douceur non plus. Les émotions de la jeune femme avaient chassées toutes possibilités que de telles choses s'implante dans sa voix ou en lui... Il était le Mage du Roi, et de ne savait plus rien des scrupules depuis longtemps.

« Je désirais des informations sur vous, et sur la mort de votre mère... Puisque vous ne vous décidiez pas à me les fournir, je les ais prises, tout simplement. »

Il avait fait bien pire, oh tellement pire, au service de son Souverain ! Que des sortillèges innavouables, enchantements de vérité, sombres tortures de l'âme, l'esprit ou le corps, et tant et tant d'autres choses ! Cela avait peu à peu attrophié tout regret, toute hésitation et tout remord...

« À quoi vous attendiez-vous donc de la part des Elfes, petite fille ? »

Les Elfes n'avaient aucune pitié pour ce qui était étranger à leur clan, et sur ce plan là il était sans doutes même plus porté sur la mensuétude que la plupart... Ils étaient les Enfants de la Forêt, de la Nature, et comme elle au-delà du bien et du mal. Quant à lui, il était aussi un imprévisible rejeton du plus imprévisible des Arts : la Magie.

Quand il avait éclaté de rire, de son rire si chargé de Magie et de tant d'autres choses, qui plus qu'aucun autre signe trahisait ce qu'il était véritablement, la jeune femme s'était relevée... Mais seulement pour se plaquer contre la paroie de la grotte, avec une expression horrifiée, les yeux écarquillés... Ce qui ne fit que nourire un peu plus son rire. Marianne semblait réduite au mutisme, son visage se contractant par moment tandis qu'il parlait, sans que jamais un son ne s'échappe de ses lèvres. Décidément, plus ça allait et plus il devenait évident, à sa grande déception, que l'héritage Humain de la damoiselle primait de loin sur tout ce qu'il y avait d'elfique en elle, probablement à cause de son éducation, qui avait l'air d'avoir été bien trop laissée au soin de son mortel de père. Dommage... Mais peut-être pas irréparable, car il perçevait certaines qualités du Beau Peuple dans son Chant, quoique pas toutes, certes...

Ce ne fût que lorsqu'il posa sa dernière question, sur le même ton que le reste, sans pitié et avec la même pointe d'amusement un brin cynique sur les bords, que l'hybride sembla sortir de sa paralysie, les traits de son visage se détendant un peu, de même que son corps en général. De même, il sentit une modification dans le Chant de son être... Cette question aurait-elle réveillé ou libéré quelque chose en elle ? En tous cas, elle trouva assez de cran en elle pour plonger dans les océans jumeaux de son regard, quoi qu'avec hésitation.

" Je… Je ne sais pas… Ma mère n’eut pas le temps de m’apprendre qui elle était vraiment, d’où elle venait. Elle n’eut pas le temps de me raconter son histoire, de quel peuple elle appartenait. Cependant elle me répétait souvent que la nature est notre mère, et que tout être vivant doit être respecté…"

Un sourire léger, timide, fleurit sur les lèvres de la damoiselle, et un bien plus éclatant fit de même sur les siennes, avec, comme souvent, une trace de mystère sybillin, car il était Mage, et profond ses secrets... Il était vrai que la Nature était la Mère de toute chose, et que tout ce qui vivait par elle méritait le respect. C'était un fondement, que les Elfes n'avaient même pas besoin d'apprendre. Lui-même n'en avait jamais eu besoin... Par contre, la Race Humaine, par bien des côtés, érodait très sérieusement ce respect, qui n'était pas quelque chose d'aquis à jamais. Les barbares Fomoires l'avaient bien montré, sans hésitation eux...

" Mais j’espère un jour connaître cet univers… Pour savoir qui je suis vraiment."

Il rit de nouveau, et dans son rire il y avait le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans le vent, la douce senteur de l'humus, et le son des fleurs qui fleurissait lentement. Il y avait l'éternité de l'arbre, et l'éphémère insecte. Il y avait la fougue de l'animal et la passivité de la mousse. Il y avait la Forêt. Et il y avait les Elfes.

« Chaque être vivant, ou presque, à la naissance, mérite le plus profond des respects. Et chaque être vivant, au cours de sa vie, a maintes occasions de perdre se respect... Ce en quoi les Humains sont de grands spécialistes. »

Gil-Galad avait respecté certains Humains, dans son existance. Il fallait bien dire que les mortels devaient souvent prouver qu'ils méritaient le respect sur lequel la plupart des leurs n'avaient aucun droit. Mais certains avaient eût son respect, et plus encore parfois... Présentement, un sourire étira encore ses lèvres, non dépourvu d'une certaine chaleur.

« Heureusement, c'est loin d'être votre cas, jeune fille. »

Non, la damoiselle avait regagné une bonne part de respect latent sur sa dernière réaction. Les êtres « civilisés » étaient les seuls à être capable de perdre une telle chose : toutes les créatures de la Nature étaient dépourvues de cette capacité, encore heureux !

« Toutefois, le respect n'est ni la pitié, ni l'affection. Aprenez-donc, puisque vous semblez ne pas le savoir, que les Elfes n'en ont point pour ce qui n'est pas leur. De ce point de vue, mon improbable imprévisibilité me rend même parfois plus clément que bien des miens. »

Et d'autres fois non. Sa « clémence », si on appelait ça comme ça, n'allait jamais à ceux qui ne l'auraient point mérité. Le Chant, et plus encore son instinct, disaient ces choses-là...

« Êtes-vous toujours en colère et horrifiée contre moi, fille des Elfes, ou bien pouvons-nous reprendre notre discution ? »

Visiblement, la jeune femme s’était remise de son petit passage dans l’état d’épouvante et de rage terrifiée… Tant mieux. Il la préférait largement quand elle se reprenait et osait une plongée dans les océans jumeaux de son regard…

"Oui… Ap… Apprenez moi à devenir Elfe. A comprendre le chant des oiseaux, à déchiffrer le grincement des arbres, à lire dans la rivière… Ma mère n’eut pas le temps, et comme il semblerait que vous la connaissiez, je vous supplie de m’apprendre à devenir ce qu’elle aurait désiré que je devienne."

Lui apprendre à devenir Elfe… Pas à dire, elle avait vraiment une moitié de sang Humain dans les veines, c’était impossible à nier. À moins que lui-même ne fût une bizarrerie, bien entendu… Car nul ne lui avait jamais vraiment apprit à être ce qu’il était. Oh, on l’avait bien élevé, un peu, dans ses premières années, mais c’était dans les bois qu’il avait vécu avant que le Roi ne le trouve et ne face de lui un Mage, par l’intermédiaire des professeurs royaux. Pour cela, on lui avait ouvert une porte, mais il savait qu’il l’aurait trouvé seul tôt ou tard… L’idée qu’il ne fût pas véritablement un Elfe lui traversa l’esprit, et amena avec elle un fin sourire ironique.

"Je veux oublier cette part humaine quelques instants, car elle me ronge, et me fait presque oublier que le sang des elfes coule autant dans mes veines que celui des hommes…"

C’était tout à fait indéniable… Et quant à lui, il était en train de songer à ce qu’il allait bien pouvoir répondre à une telle demande, faite par une telle personne…

"Je vous le demande comme une prière Gil-Galad…"

Une prière en plus, et faite en lui prenant la main pour accentuer la chose… L’autre bras du Magicien se leva, et un doigt se posa sur le front de la jeune femme.

« Hum… »

Il lança un nouveau sort, différent du premier toutefois. Celui-ci fût un Chant, court mais emplit d’une Magie profonde, qui se répandit comme un doux tourbillon dans l’esprit de l’hybride. Il ne lu rien, de communiqua rien, se contenta de ressentir. C’était l’un des très nombreux sortilèges qu’il avait mit au point au fil des ans, afin de jauger plus précisément son interlocuteur, au-delà de l’impression générale transmise par son propre Chant…

« Soit. Vous semblez tout de même avoir en vous un côté elfique assez présent pour mériter ce savoir… »

Un nouveau sourire, chaleureux celui-là, vint étirer ses lèvres tandis qu’il laissait retomber sa main. Peut-être bien que cela pourrait être intéressant. En tous cas, cela avait éveillé sa curiosité, ce qui ne pouvait que l’amener à poursuivre…

« Mais avant de commencer, vous êtes bien consciente de choisir un bien étrange professeur ? »

Une chose à poser, et un élément à sa curiosité : voir comment elle pourrait bien répondre à cette question. Il était prêt à lui apprendre certaines choses, pourvu qu’elle soit prête à les recevoir…

[HRP]Pas de problème, content que tu sois de retour ![/HRP]

Le regard de la jeune femme après avoir été plein d’espoir et de crainte mêlés, c’était fait plus grave, plus sérieux… Plus profond, sans doutes. Et les profondeurs insondables de son propre regard les absorbaient avec une lenteur sereine, qui trahissait l’éternité qu’il portait.

" Oui. Je suis prête à être votre élève. "

Il pouvait sentir dans sa voix qu’elle était parfaitement sincère, et même plus que cela. Il sourit de nouveau tandis qu’elle se redressait, lui semblant déjà plus fière, plus belle… Plus elfique, en quelques sortes. Elle avait fait un premier pas sur la longue, très longue voie qui pourrait l’amener un peu plus près de son héritage maternelle, même si elle ne pourrait jamais être totalement une des leurs. Le sang des Hommes pèserait toujours en elle, même s’il le sentait déjà… Différent. Il ne pouvait pas dire en quoi au juste, il ne le pouvait pas encore, mais il y avait… quelque chose.

" Alors Monsieur le professeur, par quoi allons nous commencer ? "

Quelques instants passèrent avant qu’ils ne répondent, durant lesquels un vent léger vint s’enrouler autour d’eux. Ce qui le fit rire, de façon tout aussi magistrale et imprévisible que d’habitude. Il était Mage, et il était fou. Cela faisait partie de ce qu’il était, entrelacé avec la trame même de son être. Et dans son rire, il y avait l’éternité des arbres millénaires et la jeunesse perpétuelle de l’éphémère. Il y avait la tranquillité de l’étant et l’impétuosité du torrent. Il y avait le rocher stable et la boue changeante. Il y avait la Magie, et l’infini des possibilités.

« Vous allez commencez par ne plus jamais m’appeler comme ça. « Monsieur le professeur », non mais franchement… Vous pouvez m’appeler « maître » ou « maître Gil-Galad », ou Gil-Galad, tout simplement. Je suis encore capable de reconnaître ce nom. »

Il lui sourit chaleureusement, tandis qu’il se tournait à moitié vers l’entrée lointaine de la grotte, et l’orage qui y faisait toujours rage. D’un geste négligeant de la main, il le ranima, le muant à nouveau en terrible tempête marine, pour le plaisir d’entendre cette fureur des éléments déchaînés.

« Ensuite, en laissant de côté ces questions d’étiquette, il y a ceci… La Nature, et ses imprévisibles caprices. »

Comme pour appuyer ses paroles - comme… quelle blague… - un éclair zébra le ciel pour tomber dans la mer, tout proche, éclairant la scène d’une lumière crue presque en même temps que le son du tonnerre les entourait, presque assourdissant.

« Nous allons voir de quoi vous êtes déjà capable… Écoutez la tempête, ressentez-là, immergez votre esprit en elle. Devenez la tempête, autant que faire se peu. »

Il savait de quoi il parlait sur le coup, et pas qu’un peu d’ailleurs. C’était sa tempête. Il l’avait créée, il s’était fondu en elle, il était devenu l’éclair et le tonnerre, la pluie et le vent cinglant, il c’était fait d’eau, d’air et de lumière. Mais il était ce qu’il était, d’un autre côté…

« Allez, et dites moi quand vous l’aurez saisit. »

Patient comme le temps lui-même, il était tout disposé à attendre. La durée n’était pas un problème, pas cette fois, pas ici. Au besoin, elle avait également un alibi tout trouvé si on lui posait des questions à son retour, et quant à lui il n’en avait nul besoin…

La jeune femme n’était ni trop formelle et rigide, ce qui aurait été une erreur pour l’enseignement qu’il avait à lui transmettre, ni trop frivole dans sa façon d’aborder la chose. Une excellente attitude, au fond, qui laissait espérer que tout ceci se passerait bien.

"Très bien maître. Je saurais me montrer digne de votre apprentissage."

Un fin sourire vint étirer ses lèvres devant cette promesse si pleine de foi, qu’il accepta de la même façon. Il ferait quant à lui tout son possible pour lui apprendre, dans les chaotiques et vagabonds méandres de son esprit et de sa Magie.

"Vous… N’est pas un peu tôt pour ce genre d’exercice maître?"

Son sourire disparut, et il se contenta de la regarder de son regard océanique, sans rien dire. Elle n’avait pas à contester ce qu’il lui disait, elle devait lui faire confiance et surtout lui obéir. C’était lui le professeur et elle l’élève. Il plaçait la barre haut pour commencer, mais, même s’il ne s’attendait pas à une réussite, il voulait voir ce qu’elle pouvait faire, et aussi jusqu’où elle était prête à aller. Un premier test, en somme, pour l’évaluer de façon tangible…

"Très bien !"

Et, se redressant fièrement, elle abandonna là arc et flèches, elle se dirigea vers l’entrée de la grotte. Il la suivit, quelques pas derrière elle, pour ne pas la gêner, et la contempla en train de faire ce qu’il lui avait demander de faire. Il regardait avec plus que son océanique regard, il regardait avec son don et son talent de Mage. Et elle resta ainsi, entre le calme de la grotte et la fureur des éléments qu’il avait lui-même déchaîné, pendant de longues minutes, qui s’assemblèrent bien vite par dizaines. Lui-même ressentait le vent aussi bien que son propre souffle, la pluie comme son propre sang, l’éclaire comme sa propre folie. Il ressentait la mer comme ses propres horizons visuels. Il ressentait la tempête comme étant en lui et plus que lui, ce qui n’était bien sûr qu’une impression : il l’avait créée, il pourrait la calmer tout aussi tranquillement.

Mais il était ce qu’il était, et entre autre un maître de son Art. Elle était bien jeune, à moitié elfique seulement et bien loin d’être ce qu’il était, en plus d’être terriblement inexpérimentée. Quand il pu enfin sentir le début d’une communion entre la damoiselle et l’orage, le flot d’énergie fût trop brusque et important, et elle recula avant de s‘effondrer, tout lien rompu. Tandis que la jument, toujours très proche de sa maîtresse, se précipitait vers elle, il la considéra encore quelques instants, songeurs. Il ne s’était vraiment pas attendu à une réussite. Il l’aurait enlevée jusqu’en Alfirin pour l’amener au Roi si elle avait réussi, que se soit pour se servir d’elle ou pour éliminer la menace d’un tel être parmi les Humains, selon la volonté du Monarque…

Cela n’avait pas été le cas, toutefois, et le résultat avait été assez bons, pour une première fois. Il sourit de nouveau tandis que sa démarche fluide l’amenait près de la jeune femme. D’un geste, il apaisa la tempête, la mettant en sommeil sans l’arrêter, tandis qu’il commençait par s’occuper du cheval. En quelques caresses et quelques douces paroles apaisantes, il lui rendit son calme à elle aussi, à la façon de son Peuple. Tous les Elfes avaient une forte affinité avec les animaux, leur parlant et entrant même souvent en communion avec eux. Lui était Mage, et cette affinité était encore renforcée, et même si ce n’était pas sa spécialité absolue, il s’y débrouillait très bien. Il était Gil-Galad Vorondwë, après tout…

Il s’agenouilla ensuite près de la damoiselle fort sonnée, ses doigts courant juste au-dessus de son corps. Avec un nouveau sourire, il posa un doigt sur le front de son élève et prononça quelques mots chantant. Presque aussitôt, elle ouvrit les yeux.

« Ce n’est pas le moment de dormir, jeune fille. »

Son sourire et le pétillement de son regard démentait tout idée de réprimande ou de sévérité, tandis qu’il lui saisissait le bras pour, de sa force inhumaine, la remettre sur ses jambes, la laissant s’appuyer sur sa jument au besoin.

« C’était pas mal, pour une première fois, pas mal du tout. Peut-être même mieux que ce que j’attendais, en fait. Mais toutefois… »

Il n’avait pas lâché son bras jusque là, et sa main glissa le long de celui-ci jusqu’à venir prendre celle de Marianne, tandis que de l’autre il lâchait de nouveau la bride à la tempête.

« Vous avez besoin de cette expérience pour la suite, alors je vais vous guider à travers votre communion. Laissez-vous porter, ne faites qu’un avec l’orage. »

Son sourire revint brièvement, il lui serra la main, puis, plongeant ses yeux dans le fracas élémentaire, il entra en communion avec lui au bout d’un instant… Pour s’y plonger tout entier, en esprit, entraînant l’hybride avec lui dans son élan. Il la guida, la protégea des flots brutes d’énergie tandis qu’elle ne faisait qu’un avec la pluie, le vent et les éclairs. Jusqu’à ce que, finalement, il les ramène à l’entrée de la grotte. Il n’ajouta rien de plus, se contentant de lui sourire, d’un sourire chaleureux.

C’était bien la première fois que Gil-Galad s’essayait à un tel enseignement. Déjà que l’enseignement tout court n’était pas forcément la matière dans laquelle il avait le plus d’expérience, cette discipline-là, à savoir la façon d’être Elfe, c’était encore autre chose. Il lui apprendrait forcément aussi, un peu, à être Mage, ou plutôt à avoir une certaine sensibilité magique. Il n’avait aucun autre moyen, de toute façon, n’en connaissait ni n’en voulait connaître aucun…

" Merci … "

Un premier remerciement, quand il l’avait réveillée. Un remerciement qu’il avait accepté avec le sourire, avant de l’emmener danser avec la tempête. Communier avec la tempête. Sa tempête. Une tempête qu’il avait créée et modelée de toute pièce, au gré de ses caprices et de sa folie, vibrant symbole et triomphante expression de l’ensemble et du chaos absolu qui régnait dans son âme. Un témoignage, comme un simple reflet de toute la sauvage liberté des Elfes, et de tout ce qu’elle impliquait. Le revers de la médaille. La pierre au fond de la coupe. Le secret caché derrière l’histoire. Ce qui sommeillait au fond de tout Elfe, quel qu’il soit. La rage, terrible et chaotique rage, puits de fureur et de destruction. Le prix a payer. Parce qu’il y en avait un... Il y en avait toujours un...

Une tempête qui était sienne, donc, et de laquelle il pu la protéger au mieux pendant qu’elle se faisait pluie et vent, éclair et tourbillon, nuage et mer déchaînée. Pour la ramener finalement dans le monde de la tangible réalité, si familier aux Hommes et à ce qu’avait été Marianne jusque-là.

" Merci… "

Un second remerciement, qui s’accompagna d’un mouvement spontané de la jeune femme, qui se jeta dans ses bras, les larmes aux yeux. Avec un nouveau sourire, il la berça doucement, caressant d’une main ses longs cheveux. Une scène plus ou moins familière, quoi que bien différente, au fond…

« Là, jeune fille… Vous vous répétez, je vous signal. »

Il laissa échapper un petit rire, et comme toujours son rire était tellement plus qu’un simple rire… C’était le vent s’engouffrant des les anfractuosités de la falaise, et le tonnerre rugissant dans le ciel. C’était la pluie battant la terre nue, et le fracas de la marrée contre les rochers, en contrebat. C’était le rire de Gil-Galad, tout simplement…

« C’était très bien pour une première communion avec les éléments, vraiment. Je suis content de vous. C’est ma tempête qui gronde, dehors… »

Ce qui pouvait rendre les choses plus faciles ou plus difficiles, le tout à la fois. Plus facile parce que c’était son Chant qui avait modelé celui des éléments déchaînés, et qu’elle avait été avec lui. Plus difficile parce que la folie de ce Chant était indiscutable… Avec un doux sourire, il la dégagea lentement de lui, la regardant de ses yeux océaniques.

« Mais ne croyez pas que cette première étape est finie, on en est encore loin ! Allons nous mettre bien au sec, vous vous êtes trempée. »

De son pas souple et fluide, il gagna l’endroit où Marianne avait abandonné ses armes et s’assit contre la paroi, faisant signe à son élève de prendre place en face de lui.

« Bien. Vous allez à présent mettre des mots - ou essayer en tous cas, dans cette langue grossière - sur ce que vous avez vécu il y a quelques instants. Pas besoin de faire de grandes phrases rhétoriques, je veux l’expression de ce que vous avez ressentit. »

Réfléchir et théoriser ne servait à rien, en la présente. C’était une affaire d’instinct, de perception et de communion. Il s’agissait d’être un véritable enfant de la Nature, se fondant dans ce qu’elle créait ou aidait à créer, et pour cela l’orage était encore la meilleure solution.

« Avant cela, toutefois... »

D’un geste léger, avec un léger mot de pouvoir, il sécha en douceur la jeune hybride, remettant en place ses vêtements en même temps, d’ailleurs. D’un autre mouvement et d’un autre mot, il créa au-dessus de sa main tendue une flamme magique, mais doté de toutes les qualités d’une flamme normale : chaleur et lumière. Il l’envoya flotter au ras du sol, entre eux deux, et l‘aviva légèrement.

« Allez-y... »

Marianne le fixa longuement, après qu’il ait posé sa question. Il soutint se regard sans faiblir, ne de son attitude tranquille et calme, comme l’océan sous le soleil doux de l’été. Il avait tout son temps, il pouvait lui permettre de rassembler ses perceptions. Lui fournir durée et appuis, pour cela. Il pouvait attendre qu’elle se redresse et que, les poings serrés sur son pantalon. Chacun trouvait ses marques, et lui ne la quittant toujours pas de ses yeux marins…

"Je ne saurais comment l’expliquer… Mais c’est comme si l’orage s’était introduit en moi. Comme si la pluie s’était mise à couler dans mes veines, me donnant une sensation de froid mais en même temps de puissance, comme le torrent déchaîné à travers la forêt."

Il sourit légèrement devant cette dernière comparaison. Tranquille comme les arbres millénaires, il absorbait comme par un millier de racines ce que lui disait son élève, sans se troubler une seule seconde. Pour l’instant, c’était pas mal.

" Comme si les éclaires m’avaient foudroyé, j’ai sentit comme une espèce de décharge traverser tout mon corps, presque comme une douleur tout le long de ma colonne vertébrale… J’ai sentit le vent également, comme si une force m’avait poussé au dehors… Et les vagues… Les vagues étaient la chose la plus étrange, c’est comme si mes sentiments et mes émotions s’étaient toutes mélangées pour ne former qu’une espèce de confusion où plus rien n’était perceptible… "

Les paroles étaient positive, sa façon d’enfuir sa tête dans ses mains beaucoup moins… Alors qu’elle venait d’exprimer l’une des plus formidables expérience de sa vie, il ne voyait pas pourquoi elle faisait ça. Quoi que… Après tout, elle avait été élevée en bonne partie au milieu des Humains…

"Pardonnez moi maître… C’est certainement une hallucination de ma part… Vous n’attendiez certainement pas ce genre de réponse… "

Elle soupira, entre ses doigts, et son propre visage se durcit, même si elle ne pouvait pas le voir. D’un geste impérieux et emplit de pouvoir, il releva de force son visage, la forçant à le regarder. Sans la toucher bien sûr. Sans bouger de son côté de la caverne. Il était le Mage, après tout.

« Suffit ! »

Sa voix avait claquée, comme un coup de fouet, comme un éclair, et un éclair aussi était passé dans ses yeux, comme une flamme brève mais terrible. Un éclair qui relayait la tempête à une simple bourrasque, qui laissait entrevoir - entrevoir seulement, mais c’était suffisant - la véritable puissance qui se cachait dans le corps du Magicien Royal.

« Ne recommencez plus jamais, Marianne ! Jamais vous m’entendez ! Ne doutez point de vous, et surtout, ne doutez point de votre instinct et de vos perceptions. Où alors vous pouvez retourner jouer les mortelles de plein sang, au milieu d’un troupeau d’inutiles brebis bêlantes et obéissantes. »

Il n’y avait nulle pitié dans ses paroles, et nulle pitié dans la Magie qui lui retenait le visage et l’empêchait de répondre. Un instant encore il la maintint ainsi, puis il relâcha son sortilège, et laissa retomber la main tendue qui l’avait relayée.

« Vous parliez juste, avant de douter. Et se sont ces sensations que vous devez apprendre à ressentir pour commencer à comprendre votre héritage - bien que comprendre ne soit pas le mot, pas si nous parlions une langue civilisé, même s’il faut faire avec, en l’état. »

La dureté avait disparu, l’éclat était passé. Ainsi étaient les Elfes, aux réflexes digne de leurs frères du règne animal, dans certaines situations. Et ceci en était une, pour le fantasque Gil-Galad…

« Vous apprendrez - si vous ne vous réfugiez pas dans la bêtise que les Hommes disent sagesse - à ressentir la Nature comme vous avez ressentit l’orage. C’est cela le premier pas vers la face Elfique de votre aide, le pas le plus primordial. Car c’est cela qui fait l’Elfe Sylvain, par rapport aux Gris aux cœurs assombrit. Ne l’oubliez pas. »

S’adoucissant, il sourit, un autre sort, un autre geste, chassant toute gêne et toute douleur résiduel de son précédent mouvement enchanté, et un sourire indulgent vint étirer ses lèvres. Imprévisibles et fous, il l’avait entonné, dans un ruisseau, au part avant…

« M’avez-vous comprit ? Y êtes-vous prête ? »

Certes, la réaction de Gil-Galad avait été rude, et sans doutes certains pourraient-ils la qualifié d’excessive, mais elle était nécessaire. Il fallait que Marianne comprenne, qu’elle laisse de côté les doutes et les peurs nés de son héritage mortel et de son éducation humaine. Il fallait qu’elle se laisse porter par son sang, par la force de ses ancêtres elfiques, par leur voix, par leur être. On ne pouvait pas apprendre ce genre de choses. On pouvait juste comprendre qu’on les avait déjà. C’était pour cela que presque aucun Humain de pur souche ne pouvait vivre la Magie inhérente à leur Race… Presque aucun… Et « presque » était un mot mortel…

"Oui mon maître ! Je suis prête !"

Il pouvait voir en elle qu’elle était prête, en effet. Pour lui, elle était comme un livre ouvert, à présent. Elle était devenue son élève, librement et de son plein gré. Elle avait dansé avec lui dans la tempête. Et il était le Magicien, le premier d’entre tous. Il sourit de nouveau.

« En effet, vous l’êtes, à présent… »

Un doux sourire étira ses lèvres parfaites, tandis que ces yeux pétillaient de bonne humeur… Et de quelque chose de plus. Bien plus en vérité. Car ses yeux étaient, avaient toujours été, bien plus que de simples yeux. Bien plus que deux iris mystérieuses, magnifiques et envoûtantes. Ils étaient une porte sur l’océan. Une fenêtre sur l’infini chaos de la Magie… Pour qui savait y voir. Et en cet instant, la porte s’entrouvrait, la fenêtre ouvrait un peu l’infini de son voile.

« Ce que je vais vous transmettre n’est pas quelque chose qu’on peut enseigner, ou coucher dans les livres de poussière des mortels. Ce n’est pas une matière d’érudit, de savant ou d’autres créatures du savoir. C’est quelque chose qui se découvre, au plus profond de soi. »

Il ne détournait pas d’elle son regard chargé de Magie, et d’années bien plus grandes que celles, assez courtes pour un Elfe, qui s’appuyaient sur ses propres épaules. C’était, à la manière de son rire, parfois, une ouverture sur tout ce qui faisait le fort justement nommé Beau Peuple. L’arbre centenaire, la montagne millénaire, la forêt éternelle. L’enfant jouant dans la lumière, la bête courant dans la poussière, l’insecte né le matin et destiné à mourir au soir. Les éons et l’instant éphémère.

« Cette découverte ne se fera pas en un jour, et sera émaillé de petites leçons, de plus petites découvertes. Aujourd’hui fût déjà une bonne journée. Vous avez prit confiance en votre héritage, et vous avez comprit qu’il ne fallait pas écouter ce que les Hommes mortels nomment « raison ». Pas pour cette entreprise… »

Un nouveau sourire, chaleureux et doux. Gil-Galad transmettait rarement son savoir. Très rarement. Là comme ailleurs, il pouvait avoir ses humeurs. Il ne fallait pas croire qu’elles seraient toujours au beau fixe, loin de là. C’était un ours bourru, lorsque c’était de ce côté-là que le portait son chaotique ici. Mais pour le moment, son humeur était bonne, et en outre il aimait bien la jeune hybride, dans une certaine mesure…

« Et puis, vous avez, avec mon aide, dansé avec notre amie la tempête… »

Appuyant ses dires - à présent cela ne faisait plus aucuns doutes - le tonnerre gronda dehors, en puissants roulements, salués par leurs volées d’éclairs. La tempête fournissait aussi un fort commode alibi à Marianne, au passage…

« Je suis content de vous. Vous progresserez vite, je vous fait confiance. »

Il lui sourit encore une fois, décidément dans une bonne passe. L’écoute était importante, bien sûr, mais il fallait aussi savoir s’exprimer : il voulait savoir ce qu’elle avait encore à dire…

HRP/Désolé pour le temps de réponse, panne sèche d’inspiration !/HRP

Elle l’écoutait, elle buvait ses paroles, comme un assoiffé aurait bu l’eau claire et pure de la source. Avait-il été jadis, cinquante ans plus tôt - mais ça lui paraissait plus longtemps, bien plus longtemps au part avant - lorsqu’on lui enseignait l’Art de la Magie, l’Art de manipuler l’énergie cacher, blottie au cœur de toute chose, qui reliait la roche à l’insecte, et l’insecte au soleil, et le soleil à l’Elfe ? Était-ce vraiment possible ? Et était-ce vraiment possible que ce ne soit que cinq décennies au part avant ! Des années qui lui avaient semblées passer en un clin d’œil alors qu’il les vivait, pas que maintenant il ressentait comme tellement longues, comme doublées, triplées, décuplées par les Arcanes qui les avaient tissés et les devoirs accomplis. Il n’était plus celui qu’il avait été, mais en voyant ainsi Marianne, véritablement prête à apprendre, il se dit qu’il en était sans doutes plus proche qu’il ne l’aurait pensé, et cela lui fit plaisir.

Il sourit quand la jeune femme laissa échapper un petit rire, agréable à l’oreille. Gil-Galad, Premier Mage du Roi Llandon, avait eu peu d’élèves au cours de ces cinquante années de service. Quelques scènes lui revinrent, une en particulier, et il sourit encore. Oui, il en avait eu peu, mais il en avait eu. Ce n’était même pas la première créature au sang mêlé des Hommes et des Elfes qu’il formait. Mais il se sentait plus proche d’elle que d’aucune autre. Il se sentait vraiment Maître, dans tout ce que ça impliquait. Et, étrangement, cela ne le dérangeait pas…

« C’est étrange comme sensation… Evidemment, j’ai dû vivre cette expérience avec mes yeux d’humaine. Cependant, j’ai sentit quelque chose en moi, comme si, une part de cette tempête m’appartenait et j‘ai… »

Des yeux d’Humaine… Bientôt, elle se rendrait compte qu’elle avait plus que cela. Elle pourrait un jour danser d’elle-même avec les éléments, et apprendre à connaître ceux qui n’étaient pas déchaînés. Elle apprendrait aussi - comment aurait-elle pu ne pas le faire avec un tel Maître ? - qu’il y avait bel et bien en elle une part de cette tempête, et que cette part était toujours là. Attendant d’être libéré, en bien ou en mal, en énergie… Ou en brasier. Peut-être les yeux changeant de l’hybride pourraient-ils devenir rouge, peut-être pas, mais elle portait en elle la part du sang, comme eux tous, et chez elle, elle pouvait être plus dangereuse encore…

« J‘ai ensuite pu revoir ma mère. Pas physiquement évidemment, mais par l‘esprit, comme si elle m‘avait transmit sa force… C‘était extraordinaire autant que douloureux de ressentir sa présence…»

Il secoua doucement la tête, un sourire de compassion sur le visage, non pas pour sa mère, qui était morte parce qu’elle était sortie du Bois, et que c’était le risque à courir, avec le chagrin, mais pour elle, qui n’était pour rien dans cela. Il poussa un doux soupir.

« Malheureusement, je ne puis vous aider sur le côté personnel de cette perte. La peine pour ceux qui sont morts, l’affection des parents pour leurs enfants et inversement… Je n’ais pas grande expérience dans le premier domaine, et aucune dans le second… »

Gil-Galad n’avait jamais connu ses parents. Sa mère était morte en lui donnait naissance, et son père s’était laissé dépérir de chagrin. Et, peut-être pour cela, de façon inconsciente, il n’avait jamais été du genre à s’attacher beaucoup…

« Je ne puis vous dire que ce que je sais : mince est la frontière entre la vie et la mort. Ne croyez pas les morts perdus. Ils nous attendent juste, à l’autre bout de la route. Et parce que votre sang est celui des Elfes autant que par la nature des choses, votre mère est toujours là, en vous. Elle est la part de votre héritage, et il est peut-être logique que vous l’ayez vu maintenant. »

Peut-être était-ce là un maigre réconfort, mais c’était le seul qu’il avait à lui offrir. Son sourire, très doux, se maintint un peu, puis retomba. Il lui fallait à présent parler du reste, car il était temps.

« À présent, il me faut vous mettre en garde. Cet héritage peut être bon… Ou mauvais. N’oubliez jamais les Elfes Gris, et n’oubliez jamais que vous pourriez basculer, sans vous en rendre compte. Car, contrairement à ce qui fût dit, ce n’est pas le sang des Hommes en lui-même qui les pervertit, et pas toujours celui des autres créatures qui court dans leurs veines. »

Le sang des sombres Fomoires, ou des Enfants du Sidh. Parfois d’autres sangs, d’autres origines. Mais ce n’était pas là l’important, ou pas vraiment, comme il l‘avait dit…

« Ce qui les perds, c’est le sang des Elfes. Nous sommes anciens, puissants et sages entre tous les enfants de ce monde. Nous parlons aux plantes, et à toutes les choses de la Nature, et notre Magie est la plus pure et la plus puissante qui prenne ses racines en cette terre mortelle. Force et vitesse sont nôtre, ainsi qu’intelligence et beauté, et notre vie est longue. Et tout cela tient à notre essence même, à la Magie qui bat plus fort au cœur de notre être. »

La voix de Gil-Galad était grave et profonde comme un gouffre sans fond, comme le puis des années qui coulent éternellement, ne se souciant pas des actes des mortels, des immortels ou même des Dieux.

« Mais il y a un prix à payer. Un revers à la médaille. Un secret, caché derrière les belles histoires. Tout comme la Magie est porteuse du Bien et du Mal, les Elfes ont leur part que ce que les Hommes appellent Lumière, mais aussi, comme toutes les choses mortelles ou immortelles, leur part de ce qu’ils appellent Ténèbres, et qu’ils craignent. »

« Ils » appellent. Toujours. Pour lui il n’était d’Ombre ou de Lumière, il était la Magie, qui battait dans toutes les choses qui avaient été et qui seraient. Et si elle était les deux, elle était aussi l’absence des deux. Et même l’absence de cela.

« Nos réactions peuvent être animales, et si notre colère est lente, elle est dévastatrice. Si nous sommes les Enfants les plus sages, parmi tous ceux qui naquirent sous le regard du Grand Alchimiste, nous sommes aussi les plus sombre. Dagda, en mourant, offrit deux présents. Un au Peuple Sage, un autre au Peuple Sanguin, les Fomoires. Parce que Dagda savait - comme il savait presque toute chose - que nous pouvions être plus sanguins que ces folles créatures. »

Les Présents de Dagda… N’étaient-ils pas preuve que le Grand Alchimiste des Astres était fou, ou aveugle ? Ils étaient bien trop puissants, et aujourd’hui, l’Île de Bretagne était mise à feu et à sang pour les retrouver tous deux…

« Si un jour vous croisez un Elfe aux yeux rouges, fuyez. Si un jour vous me voyez avec ces mêmes yeux, ne fuyez pas par contre. Soyez très calme. Car je vous détruirait probablement d’un simple geste si vous me tournez le dos… »

Un avertissement de plus, et combien mourraient si son regard se faisait de sang lors de la Délégation ? Combien avant qu’on puisse l’arrêter - si on le pouvait finalement, bien sûr ?

« Et prenez garde à cette même rage, qui sommeil au fond de vous. Vous avez éveillé le sang des Elfes en vous, et vous portez toujours celui de votre père. C’est ce mélange qui peut vous perdre. Votre rage peut-être une arme, elle décuplera votre force. En cas de besoin, il est possible que vous vous y abandonniez, en tout dernier recours. Mais si vous vous laissez finalement dominée par elle, vous serez probablement perdue. »

Cela faisait beaucoup en une seule fois. Il y avait d’autres choses à dire, sans doutes, mais il lui fit signe de la tête qu’il avait fini, sur ces graves paroles. Ses yeux étaient très sérieux, très calmes, mais ils portaient toujours en eux un courant rassurant, protecteur. Comme pour lui rappeler qu’il était son Maître, et qu’il ne l’abandonnerais pas…

HRP/ Hé bien on dirait que je suis encore plus en retard Vraiment désolé de l’absence /HRP

Gil-Galad était plutôt content d’avoir pu réconforter Marianne, même si la Magie savait que ce n’était pas son fort. Il y avait un cœur dans sa carcasse, caché loin sous les couches de cynismes, d’ironies, de loyautés et d’amour de son Art. Entouré par une gangue de Magie, et presque entièrement dévoué à celle-ci, et à la Nature en toile de fond. Mais il était bien présent, et le Magicien ne pouvait se défendre d’une certaine affection pour la jeune hybride. Elle était son élève, au sens premier, ancien et véritable du terme. Oh, il n’hésiterait pas à la mettre à l’épreuve. Durement. À la faire souffrir au plus profond de son âme. Ou à faire tout ce qui était nécessaire. Mais il pouvait aussi apaiser certains chagrins, ou l’en garder, et il était heureux de le pouvoir. Cela étai bien, il le ressentait dans sa chair et dans son sang, dans la course de la Magie dans ses veines. Bien.

En outre, le Mage Royal avait des yeux pour voir, et il y voyait clair. Plus clair que beaucoup. Il avait enregistré le mouvement de recul de la jeune femme, et son réflexe de reboutonner un bouton de son chemisier, alors qu’à priori rien dans ses paroles n’appelait à une telle réaction. Son regard ne se détourna pas plus que celui de Marianne, et ne laissa rien trahir de ce qu’il voyait, pas plus que ses paroles ne changèrent en quoi que ce soit. Impassibles savaient être les Elfes, et quoiqu’il ne fût assurément point le plus impassible de tous il savait sans le moindre doutes ne pas montrer la moindre nuance d’émotion lorsqu’il le voulait. Cela faisait aussi partie des devoirs de sa charge : le soldat de l’ombre du Roi, l’exécuteur de ses basses-œuvres, son Mage Royal parfois présent aux côtés du Trône, n’aurait su laisser transparaître la moindre chose, même aux yeux des Elfes immortels, fins et plus observateurs qu’aucune autre race de l’Île de Bretagne.

Il continua donc, pour voir ce qu’elle allait faire, mais aussi et surtout parce que ce qu’il lui disait était fort important pour son avenir à elle. Quelle bascule dans le Gris, et il ne parviendrait peut-être point à l’en dégager. Alors il la tuerait sûrement, car elle était son élève, et qu’il y avait des choses qui n’auraient pu être tolérées, à cause de cela au moins autant que par sa nature. Mais la Semi-Elfe ne dit rien à propos de son recul. Elle s’avança plutôt vers lui, très grave, et il la laissa faire. Elle prit délicatement une de ses mains, dont il la laissa disposer, ne résistant pas, pour la placer entre les siennes, les yeux plongés aussi profondément qu’ils le pouvaient dans les lacs infinis de Magie tourmentée qui à eux deux formaient le regard si particulier du Mage.

« Merci… Merci pour tout ce que vous faites pour moi. Jamais je n’aurais pu rêver meilleure rencontre que la notre. Je vous suis dévouée jusqu’à mon dernier souffle je vous le jure ! »

Sa voix était très douce, et un peu tremblante, alors qu’elle baissait la tête en signe, supposait-il, de respect et d’humilité devant son Maître. Touché par le geste qui ressemblait presque à une allégeance, il se releva, afin qu’ils soient tous les deux debout, sa main toujours entre celles de la jeune fille. L’autre vint saisir son menton, afin de relever délicatement sa tête, sans la forcer, en une douce incitation et non point en la violente traction dont il aurait totalement été capable, au vue de sa force qui n’avait rien d’Humaine…

« Voilà qui est sans doutes plus d’honneurs que je n’en mérite, et de belles éloges. Mais j’accepte le tout, et je n’oublierais pas. La mémoire des Elfes est comme celle des arbres eux-mêmes, infinie et éternelle. Votre dévouement me touche, Marianne, et j’en prendrais notes, jusqu’à la fin de vos jours, ou des miens… Ce qui pourrait bien être dans longtemps… »

Sa voix, belle et agréable, avait toujours ce côté protecteur et rassurant, et il lui fit un sourire qui l’était tout autant… Avant de, soudainement, aussi imprévisible que le vent et la pluie, se muer en un symbole d’amusement, tandis, plus étonnant encore, il lui faisait un clin d’œil malicieux, visiblement d’humeur joyeuse et un peu taquine.

« Toutefois, vous venez de me jurer dévouement, et ce n’est pas beau d’avoir des secrets pour son Maître, en encore moins de lui faire un tel serment tout en lui dissimulant à dessein quelque chose… D’ailleurs si vous voulez devenir « elfique », il vous faudra travailler un brin votre impassibilité… »

Il n’avait pas l’air le moins en colère du monde. L’humeur de Gil-Galad était le reflet de sa folie, changeante et impossible à prévoir, mais pour l’instant elle semblait fort bonne. Ne lui laissant pas le temps de répondre, il ôta sa main de son menton, posant un doigt sur son front… Et la paralysant pleinement et totalement, de la tête au pied, en passant par la mâchoire et les mains, l’empêchant de tout geste « conscient ».

« Il va donc falloir que je vois ça par moi-même… »

Et, avec douceur, son esprit explora le sien. Ce ne fût pas bien dur à trouver, elle venait d’y penser avec force quelques instants à peine plus tôt, et peut-être encore depuis. Son regard impossible pétilla légèrement quand il trouva, et après avoir examiné l’information, il se retira, l’air songeur, ne lui rendant aucune liberté pour autant.

« Hum, le sang du Sidh, hein… Vous n’avez donc qu’un quart de sang Humain dans les veines… Voilà qui est… Intéressant… »

Il n’ajouta rien, ne laissant rien deviner de ce qu’il pensait, son doigt se retirant de son front et son bras retournant le long de son corps, lui rendant sa liberté de mouvement en même temps, son autre main n’aillant pas bougé d’un pouce de là où elle l’avait mise, attendant visiblement sa réaction…