D’abord, ce fut Lliane. La reine si froide sembla s’échauffer, pour un instant. Assan en fut tout simplement ravit. C’était un plaisir simple, que de voir le rouge de la colère monter aux joues d’une si belle créature.

_ Vos promesses seront des épines dans l’histoire de votre peuple, ma Reine, murmura Assan, retrouvant brusquement sa suffisance.

L’intervention de Llandon fut plus modérée, comme s’y était attendu l’elfe gris. Il ne cacha pas sa surprise en revanche, lorsque le roi prit la défense d’Arthur, le présentant clairement comme un allié stable. Assan balaya la foule du regard, pour s’assurer que tous avaient pu profiter de telles paroles. Oh que oui. Et ils se passaient le mot. Malgré leurs beaux visages sereins, tous partageaient la même… antipathie, à l’égard des hommes. Llandon venait de faire céder une précieuse barrière. En vérité, Assan n’avait pas grand-chose à gagner dans cette histoire, si ce n’est le plaisir de semer le trouble dans l’esprit des hauts-elfes. Et peut-être bien qu’aussi, il pourrait rendre visite à Morgane, en temps et en heure. Le soutien des elfes gris n’était pas à prendre à la légère. Son intelligence si bien cachée lui permit à la fois de réfléchir à ces stratégies, et d’écouter avec attention le discours de Llandon. Clair et autoritaire, comme à son habitude. C’est ce qui permettait s’asseoir son pouvoir.

_ A votre bon vouloir, mon Roi.

L’elfe gris imita une ridicule révérence, puis se détourna. Il avait le sens du théâtre. Aussi fit-il mine de partir, avant de s’arrêter brutalement, comme si quelque chose lui était revenu en tête.
_ Je m’étonne que vous placiez tant de confiance en un Roi si jeune, et connaissant d’autant plus les actes de son père. C’est encore un enfant, mais son passé le prédestine déjà à de bien sombres actes, aussi juste et brave tente-t-il d’être en ce moment. Mais je n’apprends rien à ceux qui lisent les possibles de l’avenir, n’est-ce pas ? Vous le savez, roi Llandon, vous le savez forcément. Ce que vous pouvez voir, dans l’avenir de cet homme… la raison n’y a aucune place, pas plus que la tempérance. Et en sachant cela, vous êtes prêt à mettre le destin de votre précieux peuple entre ses mains ? … oui cela m’étonne, sincèrement. (Son sourire s’agrandit sensiblement. Ses paroles étaient un redoutable poison. ) Que la lumière éclaire votre chemin et demeure dans vos pas, souverains du Royaume des Hauts-Elfes. Mon souverain vous souhaite l’avenir qu’auront appelé vos actes.

Sa révérence cette fois, moins appuyée que la première, fut sincère. Il se retirait véritablement. Disparaissant dans la foule, on ne le revit plus. Assan avait parlé. Le doute insidieux était parvenu jusque dans les sages esprits, sa mission était accomplie.